La fibromyalgie est un syndrome maintes fois remis en cause, autant dans la communauté médicale que dans la communauté juridique, notamment dans les réclamations au sein de la SAAQ ou de la CNESST.
Une fois diagnostiquée, le fardeau de démontrer l’existence d’un lien plausible, logique et suffisamment étroit entre la fibromyalgie et quelconque accident repose encore sur la victime. Celle-ci devra donc mettre en preuve des documents médicaux dénotant une douleur continue pendant la durée de son suivi médical.
Le diagnostic
Selon la Société canadienne de rhumatologie (SCR) qui a établi les Lignes directrices canadiennes pour le diagnostic et la prise en charge du syndrome de fibromyalgie, le syndrome de fibromyalgie se caractérise par une douleur corporelle diffuse.
En plus d’une douleur chronique et répandue, la fibromyalgie est souvent accompagnée de :
- Fatigue;
- Troubles du sommeil;
- Troubles de l’humeur;
- Changements neurocognitifs (troubles de mémoire, difficultés verbales, etc.);
- Et d’autres manifestations somatiques.
De plus, la fibromyalgie touche principalement les femmes âgées entre 30 et 50 ans, mais la SCR précise qu’il peut toucher les gens de tout âge sans égard au sexe.
Afin de valider le diagnostic de fibromyalgie, le Tribunal et la SCR sont d’accord pour accorder une force probante aux 3 critères diagnostiques de l’American College of Rheumatology (ACR) :
- L’index de la douleur généralisée (Widespread pain index);
- La présence des symptômes douloureux depuis au moins trois (3) mois;
- L’élimination de toute autre cause des douleurs chroniques ostéo-articulaires.
Il en reviendra donc à un expert compétent de démontrer la conformité entre son diagnostic et les critères de l’ARC.
Le délai d’obtention du diagnostic
Sur le plan médical, il existe depuis longtemps un certain scepticisme face à ce syndrome et il peut être long avant d’obtenir un diagnostic de fibromyalgie.
Premièrement, c’est un syndrome dont le site et l’intensité peuvent varier quotidiennement. Cela explique pourquoi les douleurs diffuses pancorporelles doivent être présentes depuis au moins trois (3) mois avant d’établir un diagnostic de fibromyalgie.
Deuxièmement, tel que reconnu par la SCR :
On peut attribuer le retard dans le diagnostic de la fibromyalgie à une lacune dans l’identification de la fibromyalgie de la part du patient et des professionnels de la santé.
En effet, le syndrome est souvent confondu avec des diagnostics de nature musculo-squelettique, neurologique, psychiatrique ou psychologique. Les jugements médicaux subséquents seront alors longtemps influencés par ces premiers diagnostics avant de déceler la présence de la fibromyalgie chez un patient.
Finalement, le diagnostic de fibromyalgie est considéré comme un diagnostic d’exclusion, c’est-à-dire qu’il n’est posé que lorsque les symptômes ne peuvent pas être expliqués par une autre maladie.
La relation avec l’accident
Une fois que le diagnostic est obtenu, il faut démontrer la relation causale entre le syndrome et l’accident à l’origine de votre réclamation. En d’autres mots, il relèvera du travail d’un expert de déterminer si des événements indépendants à votre accident auraient plutôt pu déclencher votre état.
La complexité de cette démarche relève du fait que les éléments déclencheurs de la fibromyalgie se font nombreux. En effet, la SCR énonce que la fibromyalgie peut apparaitre à la suite de tout événement traumatique de nature physique ou psychologique. La Société québécoise de la Fibromyalgie (SQF) reconnait d’ailleurs que des événements aussi communs qu’une intervention chirurgicale, une infection virale ou un accouchement peuvent être déclencheur du syndrome.
Afin d’évaluer la relation causale entre l’accident et la fibromyalgie, le tribunal examinera certains critères incluant, mais sans se limiter à :
- La condition personnelle de la victime;
- L’intensité du traumatisme;
- La nature du dommage;
- La gravité;
- Le délai d’apparition des symptômes;
- La continuité évolutive.
De plus, dans une récente affaire, la Cour a ajouté que dans le cadre particulier de la fibromyalgie, les douleurs ne peuvent simplement être expliquées par les blessures ou les séquelles permanentes qui ont directement été impactées lors de l’accident. En effet, les douleurs doivent être généralisées et déborder des sites touchés par l’accident.
Le délai d’apparition des symptômes
Dans le contexte de la fibromyalgie, la question du délai d’apparition des symptômes peut se démontrer particulièrement problématique. Il faut rappeler que pour les raisons citées plus haut, l’obtention d’un diagnostic de fibromyalgie peut tarder grandement. Or, la jurisprudence reconnait que plus le délai d’apparition des symptômes se prolonge, plus la relation avec l’accident diminue.
Dans une décision de 2014, le Tribunal a passé en revue une vingtaine de décisions afin de déterminer s’il accordait une force probante à un délai de sept (7) ans entre le diagnostic de fibromyalgie et l’accident. Il en est venu à la conclusion qu’au-delà d’un (1) an de délai d’apparition entre l’accident et les symptômes suggestifs de fibromyalgie (et non le diagnostic, qui peut être encore plus tardif), la relation causale sera majoritairement refusée. Suite à cette décision, la tendance des tribunaux penche vers le rejet des réclamations avec des diagnostics tardives.
Toutefois, il ne s’agit pas d’une règle absolue. Il arrive parfois que des consultations médicales, effectuées dans un délai raisonnable, documentent des symptômes propres à la fibromyalgie, sans toutefois prononcer le diagnostic. Dans une décision, la Cour Supérieure du Québec a confirmé que le délai d’un (1) an ne pouvait pas faire l’objet d’une présomption et que chaque cas devait faire l’objet d’une analyse, peu importe le délai entre le diagnostic et l’accident. Le tribunal a d’ailleurs établi, selon la preuve qui lui a été présentée en l’espèce, qu’un délai de deux (2) ans et demi était raisonnable.
Par conséquent, il importe de faire la distinction entre, d’une part, le délai encouru entre la survenance d’un accident et la prononciation du diagnostic qui en découle, et d’autre part, le délai d’apparition des symptômes propres à ce diagnostic. Ainsi, bien qu’il soit probable que la prononciation de votre diagnostic survienne plusieurs mois après votre accident, ce qui importe réellement est que vous puissiez démontrer un court délai d’apparition des symptômes, et ce, en présentant des traces objectives de vos douleurs prises de manière contemporaine à votre accident.
L’indemnité
S’il est reconnu que votre fibromyalgie est en lien avec votre accident, vous pourriez obtenir une indemnité de remplacement du revenu si vous êtes incapable d’exercer votre emploi.
Toutefois, comme mentionné plus haut, la fibromyalgie est un syndrome qui est très variable. Par conséquent, elle n’est pas automatiquement invalidante. En effet, il faudra prendre en considération les symptômes propres à votre condition ainsi que vos limitations fonctionnelles qui en découlent afin d’évaluer s’ils sont incompatibles avec les tâches que vous effectuez dans le cadre de votre emploi.
Outre l’indemnité de remplacement de revenu, la SAAQ prévoit une indemnité pour le préjudice corporel subi lors de votre accident. Bien que la fibromyalgie n’apparaisse pas dans la liste d’unités fonctionnelles, elle est généralement associée directement à la catégorie des fonctions endocrinienne, hématologique, immunitaire et métabolique du Barême de la SAAQ. Cette catégorie est divisée en six (6) classes de gravité et celles-ci détermineront le montant qui vous sera accordé.
Chaque cas étant un cas d’espèce, n’hésitez pas à contacter notre bureau pour une évaluation de votre dossier.