Pour qu’une personne puisse être indemnisée par un régime public d’indemnisation ou un assureur, ses séquelles ou son inaptitude au travail doivent faire l’objet d’un constat médical. Les expertises médicales jouent ainsi un rôle central dans le processus d’indemnisation.
Or, qu’arrive-t-il lorsqu’une expertise conclut à la simulation? La présente capsule vous présente cette notion et vous explique comment faire valoir vos droits.
Qu’est-ce que la simulation?
Lorsqu’un expert évalue une personne, il.elle effectue des tests et pose des questions afin de dresser un portrait précis des séquelles ou des limitations fonctionnelles qui affectent la personne. Si l’expert juge que les douleurs ou les problèmes rapportés par la personne ne sont pas supportés objectivement par l’évaluation, il peut conclure que la personne simule, c’est-à-dire qu’elle invente volontairement ses symptômes. C’est ce qu’on appelle la simulation.
Le concept de simulation soulève des enjeux importants. Dans la littérature scientifique, on avance que ce sont des motivations contextuelles qui expliquent que certains patients simulent ou amplifient leurs symptômes. Ainsi, une personne pourrait simuler des douleurs afin d’être déclarée inapte au travail, de retirer des gains financiers ou d’obtenir de l’attention ou de l’aide de ses proches.
Or, si certaines personnes peuvent avoir des incitatifs les poussant à simuler, les parties tenues d’indemniser peuvent quant à elles être tentées d’invoquer la simulation afin d’éviter d’avoir à payer des indemnités. Puisque les deux parties ont des motivations contraires, il est essentiel que les expertises qui évaluent si une personne simule soient rigoureuses et fiables.
La détection de la simulation
Il existe différents tests censés permettre de détecter si une personne simule. Afin d’évaluer les capacités fonctionnelles d’une personne, l’expert peut lui demander d’effectuer des exercices qui permettent de mesurer sa force. Il évalue ensuite si la force est constante au fil des exercices ou si elle varie. Une personne qui exerce un effort maximal est supposée avoir une force qui varie selon une courbe. Si la force d’une personne est constante, on juge qu’elle limite ses efforts. À partir de ces tests, l’expert peut conclure que, si la force d’une personne est constante, cela démontre qu’elle limite ses efforts et, donc, qu’elle simule.
Or, certaines critiques avancent qu’il existe plusieurs explications possibles autres que la simulation au fait qu’une personne limite ses efforts lors des tests. Par exemple, la limitation de l’effort peut résulter d’une peur d’avoir mal ou de se blesser à nouveau. Il est donc difficile de départager la simulation des autres causes possibles.
Un autre test fréquemment utilisé pour détecter la simulation est le Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI) et ses versions subséquentes telles que le MMPI-2-RF. Ce test comporte des échelles de validité conçues pour détecter les cas où une personne exagère la prévalence ou la sévérité de ses symptômes, autant psychologiques que physiques.
La validité de ces échelles pour détecter la simulation fait l’objet de débats scientifiques depuis plusieurs années. Si certains scientifiques affirment qu’elles sont fiables, d’autres mettent en garde contre leur utilisation. On reproche entre autres à ces tests d’être basés sur des études qui ont des échantillons peu fiables puisqu’ils ne permettent pas de départager avec certitude les participants qui simulent de ceux qui ne simulent pas, ainsi que de ne pas avoir été suffisamment testés en ce qui a trait à certains problèmes tels que la douleur chronique. Selon les critiques, ces échelles présentent des risques de faux positifs. Les faux positifs posent problème, puisqu’ils peuvent mener à refuser à certaines personnes la juste indemnisation à laquelle elles ont droit.
Le rôle des tribunaux face aux expertises
Il est important de noter que, si un expert conclut qu’une personne simule, celle-ci ne perd pas nécessairement son droit à une indemnisation. En effet, si l’assureur, la SAAQ, la CNESST, ou tout autre organisme d’indemnisation décide de mettre fin aux indemnités parce qu’un expert a conclu à la simulation, il est possible de contester cette décision et de présenter au tribunal une ou plusieurs autres expertises afin de réfuter cette conclusion.
Dans l’arrêt Proulx c. Desjardins Sécurité financière, la demanderesse avait été mise en arrêt de travail parce qu’elle souffrait de migraines et de fatigue. Desjardins, sa compagnie d’assurance, avait donné le mandat au psychologue Jacques Fournier de réaliser une expertise. Le docteur Fournier était présenté comme un expert de la simulation. Dans cette affaire, comme dans plusieurs autres où il a été amené à réaliser une expertise, le docteur Fournier avait conclu que la demanderesse simulait. Desjardins avait alors coupé à la demanderesse ses prestations d’assurance-invalidité.
La Cour supérieure a rappelé que, tel qu’établi dans l’affaire Charpentier c. Cie d’assurance Standard Life, le tribunal doit examiner toute la preuve lorsque vient le temps d’évaluer si une personne est invalide, autant la preuve d’expertise que la preuve profane. La présence d’une expertise concluant à la simulation n’est donc pas déterminante. En présence d’expertises arrivant à des conclusions contraires et d’autres éléments de preuves, il est donc possible que le tribunal ne conclue pas à la simulation.
La cour a jugé dans cette affaire que l’expertise du docteur Fournier concluant à la simulation n’était pas soutenue par les autres éléments de preuve et n’avait pas été réalisée de manière rigoureuse :
[123] Le Tribunal constate que le ton généralement employé par l’expert dans la rédaction de son rapport, comme son insistance à discuter de la simulation – en même temps qu’il ne procède pas à l’évaluation des nombreux tests cliniques du MMPI‑2‑RF – suggèrent que le docteur Fournier s’y trouvait en service commandé. Les réponses des deux dernières pages du rapport – et en particulier sa page 17 – font la démonstration d’un manque de rigueur et d’une certaine complaisance de la part de l’expert.
Ainsi, même si le docteur Fournier se présentait comme un expert de la simulation, ses conclusions ne pouvaient échapper à un examen par la cour. La cour a rejeté l’expertise du docteur Fournier et a condamné Desjardins à verser à la demanderesse les prestations qu’elle avait refusé de lui verser. Le jugement met en lumière la manière dont les assureurs peuvent être portés à soutenir l’hypothèse de la simulation ainsi que l’importance pour les tribunaux d’évaluer la qualité de l’expertise présentée au soutien de cette hypothèse.
Vos droits en la matière
Si un expert a conclu que vous simuliez et que vous avez perdu vos indemnités pour cette raison, vous n’êtes pas sans recours. Vous pouvez contacter nos avocats qui sauront vous aider à contester les décisions en question. Il est toutefois important d’agir vite afin de respecter le délai prévu pour exercer votre recours.
De plus, afin de mieux vous protéger, lorsque votre assureur ou un organisme public d’indemnisation vous fait évaluer auprès d’un expert, vous pouvez enregistrer la séance. Cela vous permettra de contester plus facilement la qualité de l’expertise effectuée dans le cas où elle comporterait des lacunes ou des défauts. En effet, la loi vous permet d’enregistrer une conversation à laquelle vous êtes partie. Il n’est pas obligatoire d’avertir l’expert.e qu’il.elle est enregistré.e ni de lui demander son consentement. Pour plus d’information sur l’enregistrement des communications, consultez notre capsule sur le sujet.