La mens rea et l’actus reus sont deux éléments essentiels de l’infraction criminelle. La poursuite (la Couronne) doit établir ces deux éléments, hors de tout doute raisonnable.
Actus reus
L’actus reus, ou « l’acte coupable » en latin, est l’action coupable ayant causé l’infraction. Dans la majorité des cas, l’actus reus est une action positive (par exemple, asséner volontairement un coup à une personne). Cependant, il peut, également, se présenter sous forme d’une omission d’agir (par exemple, un délit de fuite).
Dans certains cas, l’élément essentiel pour établir l’actus reus est la conséquence, ou le résultat, qui suit l’acte ou l’omission. Les infractions de résultat requièrent un lien de causalité. En effet, il serait problématique de punir une personne dont le geste n’a pas contribué au résultat visé par l’infraction (par exemple, l’infraction d’homicide).
À l’instar de la responsabilité civile, pour certaines infractions (par exemple, l’homicide), il existe deux types de causalité:
- la causalité factuelle;
- et la causalité juridique.
La causalité factuelle concerne la façon dont la victime est décédée sur le plan médical, mécanique ou physique. Il est généralement possible d’établir un lien de causalité factuelle en se demandant si le résultat se serait produit n’eût été l’action ou l’omission de l’accusé. Par exemple, une simple preuve médicale prouvant que l’action de l’accusé a causé le crime est suffisante.
D’autre part, la causalité juridique, ou causalité imputable, repose sur des considérations juridiques et des principes d’interprétation. Ces considérations et standards ont évolués au fil des années. Auparavant, la Cour appliquait le standard de minimis, un standard très faible qui impute la responsabilité à l’accusé dès que son action contribue au crime de façon « plus que mineure ».
Ce standard a, notamment, été adopté en 1977 dans l’arrêt Smithers, un jugement dans lequel l’accusé a été reconnu coupable d’homicide involontaire coupable après avoir donné un coup de pied au défunt. Selon la preuve médicale, la mort était due à l’aspiration de corps étrangers consécutive à un vomissement et que le mauvais fonctionnement de l’épiglotte du défunt pouvait avoir été causé par le coup de pied de l’accusé, Smithers. En 2001, la Cour a reformulé le critère de minimis pour une « cause ayant contribué de façon appréciable » ou de façon qui n’est pas négligeable ou insignifiante.
Smithers a aussi affirmé que la doctrine du crâne fragile (thin skull doctrine) s’applique en droit pénal. Ce principe, plus communément appliqué en droit civil, indique que l’accusé responsable de l’intégralité du préjudice, même si celui-ci est d’une ampleur plus importante que ce à quoi on aurait pu s’attendre en raison d’une condition ou d’une circonstance préexistante de la victime.
Les principes susmentionnés ont été modifiés par les cours au courant des années, mais Smithers demeure tout de même un important jugement en ce qui a trait aux critères de causalité en droit criminel canadien.
Mens rea
La mens rea, ou « l’esprit coupable » en latin, est l’état d’esprit qui doit accompagner un acte, ou une omission, pour que cet acte soit juridiquement considéré comme une infraction. Il existe deux types de mens rea : la mens rea subjective et la mens rea objective. Différentes infractions nécessitent un état mental différent. Cependant, la mens rea requise peut être déterminée en consultant le texte du code criminel.
La mens rea objective est un standard de comparaison entre l’état mental de l’accusé et l’état mental d’une personne raisonnable. En effet, pour prouver la mens rea objective, il faut prouver qu’une personne raisonnable aurait pu percevoir le préjudice que causerait l’infraction. Les homicides involontaires coupables imposent généralement à la poursuite le fardeau de prouver la mens rea objective.
Par exemple, dans l’arrêt Creighton, Creighton a injecté une drogue dure à une amie, Martin, qui était entièrement consentante. Martin a commencé à avoir des convulsions et a cessé de respirer. Creighton n’a pas été capable de la réanimer, et a ensuite été accusé d’homicide involontaire coupable. Évidemment, Creighton n’avait ni l’intention ni le désir de causer la mort à son amie. Cependant, la Cour a jugé qu’une personne ayant l’intention de causer des lésions corporelles qu’elle sait de nature à causer la mort à autrui est coupable de l’homicide involontaire coupable. Comme toute personne raisonnable, Creighton pouvait déduire que d’injecter des drogues dans le corps d’autrui est une activité de nature dangereuse pouvant causer la mort de cette personne.
La mens rea subjective exige que le tribunal analyse l’état mental de l’accusé de manière plus « personnelle » afin d’éviter de négliger le contexte socio-économique ayant pu mener l’accusé à commettre une infraction criminelle. Ce type de mens rea est de plus en plus populaire et respecté, puisqu’il favorise le principe de l’individualisation devant les tribunaux canadiens. Bien qu’il y ait généralement une présomption de subjectivité, les législateurs rédigent les provisions du Code criminel de façon à révéler si les juges doivent adopter une approche subjective ou objective.
Afin de prouver une mens rea subjective, la poursuite devra poser un regard sur les critères suivants : l’intention, la connaissance ou l’aveuglement volontaire et l’insouciance.
- L’intention est tout simplement le motif déguisé de l’accusé;
- La connaissance ou l’aveuglement volontaire fait surface lorsqu’une personne connait un fait, ou est en mesure de connaitre un fait, mais qu’elle préfère se maintenir dans l’ignorance;
- L’insouciance est l’indifférence de l’accusé face aux risques ou conséquences d’une action.
Dans l’arrêt A.D.H., une femme a donné naissance à un enfant dans des toilettes publiques, sans savoir qu’elle était enceinte. Pensant que l’enfant était mort, sa mère biologique l’a abandonné et a quitté les lieux. Heureusement, l’enfant a été retrouvé et est aujourd’hui sain et sauf. La femme a été accusé d’avoir abandonné illicitement un enfant de moins de 10 ans. La question est de savoir si son état mental devait être jugé de façon subjective (par exemple, les connaissances qu’elle détenait au moment de l’abandon de l’enfant) ou objective (par exemple, les connaissances qu’une personne raisonnable détiendrait dans sa situation). La Cour a finalement adopté une approche subjective et a analysé plusieurs critères révélateurs de la situation personnelle de l’accusé, tels que son niveau d’éducation et sa compréhension limitée du crime et de ses conséquences. L’accusé ne pouvait être reconnu coupable d’avoir abandonné un enfant, puisqu’elle n’avait pas l’intention de, ou les connaissances nécessaires pour, abandonner un enfant.
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