Prendre l’initiative d’inscrire son enfant dans un centre de la petite enfance (CPE) ou dans une garderie en milieu familial peut s’avérer être une décision éprouvante tant pour les parents que pour l’enfant. Il est parfois difficile de faire confiance à une autre personne pour assumer la garde ou encore l’éducation de ses enfants, même si ce n’est que temporaire.
Qu’arrive-t-il alors lorsque votre enfant revient du CPE avec des ecchymoses sur son corps ou encore, des coups de soleil? Qui sera tenu responsable de ses blessures ? Sera-t-il possible d’obtenir un dédommagement au nom de votre enfant ?
Me Lambert répond à ces questions en expliquant la loi et le droit applicables à ce type de situation.
La responsabilité du CPE ou de la garderie
Généralement, les parents ou les tuteurs d’un enfant sont les titulaires de l’autorité parentale vis-à-vis ce dernier. L’article 601 du Code civil leur permet toutefois de déléguer à autrui certains attributs de l’autorité parentale, comme la garde, la surveillance ou l’éducation.
Par exemple, c’est ce qui produit lorsque des parents déposent leurs enfants à la garderie ou à l’école. Les gardiens ou les éducateurs se retrouvent alors responsables de la sécurité de l’enfant.
Par conséquent, tout préjudice corporel, moral ou matériel subi par votre enfant et découlant d’une faute commise par un préposé d’une garderie sera sujet à un dédommagement. Conformément au régime de la responsabilité civile, il faudra démontrer le ou les dommages subis par votre enfant, la faute de la personne en charge, ainsi que le lien entre ces deux éléments.
La faute
La Loi et le Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance imposent une obligation de sécurité aux responsables d’un CPE ou d’une garderie. Par cette obligation, on ne leur demande pas de prévenir tous les types d’accidents, mais plutôt d’agir avec diligence dans le but d’éviter les accidents prévisibles.
Pour déterminer s’il y a eu une faute ou pas, les juges trancheront en comparant les comportements du préposé à celui d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
Par exemple, dans un dossier, un accident est survenu alors qu’une éducatrice changeait la couche d’un enfant. Cette dernière s’est retournée pendant quelques instants; assez longtemps pour que le poupon se déplace sur la table à langer et chute de celle-ci. Il a subi un traumatisme léger à la tête et la Cour a conclu à une faute de la préposée. En effet, selon la Cour, la préposée étant une spécialiste de la garde d’enfant, elle devait donc savoir que des bébés sont susceptibles d’effectuer des mouvements brusques et prévisibles et que ces derniers nécessitent une surveillance constante. La préposée a donc manqué à son obligation de surveillance et de sécurité en se laissant distraire momentanément.
Dans un autre exemple de négligence, une préposée a été reconnue responsable du préjudice corporel subi par un enfant de 8 mois parce qu’elle avait omis de fermer une barrière donnant accès à des escaliers. Devant cette situation, le Tribunal a déterminé qu’il s’agissait d’un accident prévisible et qu’une surveillance plus accrue aurait pu éviter le malheureux incident.
Coup de soleil ou brûlure
Dans les cas où vous passez chercher votre enfant et que vous notez des coups de soleil sur ses bras ou une brûlure sur ses mains, il est normal de s’inquiéter.
Devant une telle situation, l’éducatrices ou la préposée doit vous expliquer ce qui s’est passé.
Une des premières choses à faire lorsque vous arrivez à la maison, c’est de documenter l’étendue du préjudice, par exemple, en prenant des photos et en demandant à votre enfant d’expliquer ce qu’il s’est passé. Il est également recommandé de contacter d’autres parents d’enfants qui fréquentent le même centre. En effet, s’il s’agit d’une situation récurrente, il sera pertinent de porter plainte au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ).
À titre d’exemple, dans un dossier, la direction d’un CPE s’est vu suspendre son permis de service de garde éducatif parce que les préposés omettaient de mettre de la crème solaire sur les enfants lorsqu’ils sortaient à l’extérieur. De plus, la preuve a démontré que l’établissement possédait de la crème solaire, mais que celle-ci était expirée.
Âge et expérience
Bien sûr, les qualités et attentes vont varier de façon considérable selon l’âge ou l’expérience de la gardienne. Par exemple, les juges auront tendance à être moins sévères lorsque la gardienne responsable agit gratuitement ou pour une petite somme.
Dans un dossier à la Cour supérieure, une petite fille qui jouait avec des allumettes a accidentellement mis le feu à un immeuble. Elle était alors sous la garde de sa grand-mère. Celle-ci faisait la vaisselle et elle croyait que la jeune fille dormait au moment de l’accident. Dans son jugement, la Cour a conclu que ces faits n’étaient pas suffisants pour engager la responsabilité de la grand-mère, puisqu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances et ayant la même expérience n’aurait pas pu prévoir qu’un tel incident se produirait.
Par contre, si la même situation s’était produite dans un CPE, il aurait été beaucoup plus difficile de se dégager de la responsabilité puisque la formation et l’expérience des éducatrices auront une forte influence.
Le même principe s’applique lorsqu’on compare les qualités de gardienne d’une adolescente de 14 ans avec celles d’une adulte de 40 ans. Les attentes de diligence seront plus élevées pour la seconde que pour la première.
Exemples de négligence
Voici d’autres exemples de faute impliquant une négligence dans la garde reconnue par la jurisprudence :
- Engelures;
- Immobiliser ou attacher un enfant lorsqu’il dort;
- Octroyer des médicaments sous ordonnance lorsque l’état de santé de l’enfant est inconnu;
- Installation et environnement malpropres et insalubres;
- Mauvaise alimentation;
- Présence d’objets dangereux à portée de la main des enfants;
- Jeux ou modules extérieurs non sécuritaires.
Les gardiens
Contrairement aux éducateurs payés, les gardiens qui gardent des enfants gratuitement ou pour une modique somme ne sont pas visés par l’article 1460 du Code civil qui prévoit une présomption de responsabilité. En effet, pour être tenu responsable, la partie qui désire intenter une demande en justice doit démontrer que les gardiens ont manqué à leur devoir de surveillance, d’éducation et/ou de garde de l’enfant gardé, en plus des éléments de la responsabilité civile.
Il ne faut pas oublier que chaque situation est un cas d’espèce et qu’il faut analyser les faits dans leur ensemble. Pour maximiser vos chances de succès lors de votre recours, il est important de bien documenter votre dossier à l’aide de photos ou de témoignages.
Si votre enfant a subi des blessures suite à la négligence d’une gardienne ou d’une éducatrice dans un CPE ou une garderie, n’hésitez pas à contacter notre cabinet.