Le droit disciplinaire vise à encadrer la conduite des professionnels et à sanctionner des manquements à leur pratique. C’est un droit sui generis, ce qui signifie qu’il est un droit à part entière et que chaque ordre professionnel est encadré par ses propres lois, normes de conduite et règlements d’éthique et de déontologie.
Cependant, certains principes de droit civil et de droit criminel s’appliqueront en droit disciplinaire, c’est donc un droit hybride. La Charte canadienne des droits et libertés, qui protège les droits et libertés fondamentales, trouve une application particulière en droit disciplinaire. Les droits fondamentaux ne seront pas tous protégés par cette Charte en droit disciplinaire.
Voyons comment certains droits sont reconnus ou non dans un contexte de droit disciplinaire.
Droits non reconnus
Droit d’être jugé dans délai raisonnable
Ce droit d’être jugé dans un délai raisonnable, codifié à l’article 11b) de la Charte canadienne, a été bien reconnu en droit criminel dans l’arrêt R. c. Jordan de la Cour suprême du Canada.
Cependant, plusieurs décisions ont depuis conclu que cet arrêt ne s’applique pas en contexte de droit disciplinaire, puisqu’il s’applique uniquement à un inculpé lors d’une procédure criminelle. Le professionnel, contrairement à l’inculpé, ne voit pas sa liberté ou sécurité mise en péril en raison de longs délais, et ne bénéficie pas de cette protection.
Cela ne veut pas pour autant dire que n’importe quel délai sera acceptable en droit disciplinaire, puisqu’il pourrait dans certains cas provoquer une réduction de sanction ou même, exceptionnellement, un arrêt des procédures s’il constitue un abus de procédure.
En 2022, dans l’arrêt Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, la Cour suprême s’est penchée sur cette question et elle a conclu qu’il y aura abus de procédure en raison du délai soit lorsque:
- L’équité de l’audience est compromise;
- Le délai excessif cause un préjudice important au professionnel accusé et déconsidère l’administration de la justice.
Il appartiendra au professionnel qui veut obtenir un arrêt des procédures de prouver que les abus sont d’une telle ampleur qu’ils heurtent le sens de la justice et rendent le procès inéquitable, en prouvant un préjudice grave, certain et sérieux.
Notons que le droit de l’accusé d’être informé sans délai anormal de l’infraction précise qu’on lui reproche, codifié à l’article 11a) de la Charte canadienne, ne trouve pas non plus application au professionnel en droit disciplinaire.
Droit au silence
Le droit au silence, notamment le droit de ne pas s’auto-incriminer, est un droit protégé par les articles 7, 11c) et 13 de la Charte canadienne des droits et libertés.
En effet, en droit criminel, l’accusé n’est jamais contraint de répondre aux questions des policiers, ou de témoigner. Cependant, l’article 147 du Code des professions prévoit qu’en droit disciplinaire, contrairement au droit criminel, le professionnel est contraignable.
Cela signifie qu’il peut être forcé de témoigner, il ne pourra pas invoquer son droit au silence ni son obligation de respecter le secret professionnel. En contrepartie de l’obligation de témoigner, le témoignage du professionnel est privilégié et ne peut pas être retenu contre lui devant une instance judiciaire, c’est donc une certaine protection partielle contre l’auto-incrimination.
Cependant, il existe une exception à cette règle : le témoignage incriminant qui porte sur le parjure (lorsque l’on ment sous serment) ou un témoignage contradictoire peut être utilisé contre son auteur dans d’autres procédures, c’est pourquoi dans ces deux cas on permettra au professionnel d’invoquer son droit au silence.
Par exemple, dans Lafrance c. Pigeon, l’enquête du syndic visait à prouver le parjure de l’agent immobilier devant le Conseil disciplinaire, ce qui aurait pu être utilisé contre lui dans le cadre de poursuites criminelles, c’est pourquoi la Cour du Québec lui a permis de garder le silence et de ne pas répondre aux questions du syndic.
Droits reconnus
Il est à noter qu’il existe aussi certains droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés qui sont reconnus en droit disciplinaire. Les principes d’équité procédurale s’appliquent en droit disciplinaire, ce qui inclut que le professionnel aura le droit à une défense pleine et entière.
Cela inclut plusieurs droits :
Droit à l’avocat
C’est le cas notamment du droit à l’avocat. En effet, l’article 170 du Code des professions prévoit que le professionnel a droit d’être assisté ou représenté par l’avocat de son choix.
Droit à la divulgation de la preuve
De plus, le professionnel aura également le droit à la divulgation de la preuve retenue contre lui. Cela signifie que le plaignant devra divulguer au professionnel, sur demande, tous les éléments de preuve qu’il a contre le professionnel, peu importe qu’il entende les utiliser au procès ou non. Cependant, il ne sera pas obligé de divulguer les éléments non pertinents ou protégés par le secret professionnel.
Droit à la présomption d’innocence
Le professionnel a le droit d’être présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. Le fardeau de prouver sa culpabilité, selon la balance des probabilités, incombera à la poursuite.
Droit à un service d’interprète
Le professionnel aura le droit à un service d’interprète, sans l’obligation d’en supporter les frais.
Face à une plainte disciplinaire, il est crucial de bien comprendre les droits qui vous sont garantis et ceux qui ne le sont pas. Une défense stratégique peut faire toute la différence dans l’issue de votre dossier.
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