Certains le savent déjà, le dommage subi est l’un des trois éléments primordiaux à prouver lorsqu’on réclame l’indemnisation d’un préjudice en responsabilité civile. Après tout, il s’agit là de la raison d’être même de la responsabilité civile, puisque c’est ce même dommage que la responsabilité civile tente d’indemniser.
Or, de quelle manière le juge procède-t-il pour évaluer le préjudice subi par la victime, et par conséquent le montant susceptible d’indemnisation? En fait, lorsque vient temps d’évaluer l’étendue du dommage susceptible de compensation, il importe d’abord de séparer chaque perte en deux grandes catégories, ou chefs, de dommages-intérêts : les pertes pécuniaires, composées des pertes salariales et des pertes en coût de soins, ainsi que les pertes non pécuniaires.
Les pertes pécuniaires
D’abord, on retrouve les coûts reliés aux soins médicaux, passés ainsi que futurs, prodigués à la victime de l’accident. Ce chef de dommages englobe toutes sortes de dépenses, incluant, entre autres, le transport en ambulance, les frais médicaux, les frais de médecine alternative (kinésiologie, physiothérapie, etc.) et même le coût des prothèses. De plus, la victime de préjudice corporel a le droit de se faire indemniser toute dépense visant sa réintégration sociale ainsi que son retour à son domicile. Ainsi, peut être indemnisée, entre autres, toute dépense visant à rendre plus accessible le logement de la victime (ex. rampe d’accès, comptoirs abaissés, couloirs élargis), de même que les frais d’embauche d’une aide médicale à domicile. Bref, toute dépense reliée directement ou de manière analogue au traitement médical de la victime est susceptible d’être comprise sous ce chef de dommages-intérêts.
Ensuite, il est également possible de se faire indemniser toute perte de revenu causée par le préjudice en question. D’emblée, sont compensables toutes pertes salariales subies en date du procès, par exemple, lorsque la victime est obligée de manquer une ou plusieurs journée(s) de travail en raison d’une intervention médicale, d’un arrêt de travail prescrit par le médecin, etc. Cependant, il est également possible d’obtenir l’indemnisation de toute perte de revenu future dans les cas où les lésions subies par la victime empêchent complètement sa réinsertion dans le monde du travail.
Ensemble, ces deux derniers chefs de dommages-intérêts forment les pertes de nature pécuniaire, c’est-à-dire financière, chiffrable, attribuables à un préjudice corporel. En règle générale, toute dépense raisonnable tombant sous le chef des dommages de nature pécuniaire est recouvrable à condition qu’il existe un lien direct et certain entre le préjudice subi et la dépense en question, et ce, peu importe à quel montant s’élève le total.
Les pertes non pécuniaires
Finalement, le second chef de dommages-intérêts susceptibles d’indemnisation, soit la catégorie des pertes non pécuniaires, regroupe tout préjudice portant atteinte à la qualité de vie ou à l’estime de la victime. On pense, par exemple, à la douleur ou à la souffrance physique, à la perte d’autonomie, au complexe causé par une cicatrice ou même au fait de ne plus pouvoir se livrer à ses activités quotidiennes (ex. faire du sport, cuisiner, aller faire les courses, etc.) Bref, il s’agit de toutes les retombées de nature morale ou psychologique subies par la victime à la suite de son accident. Cependant, en raison de leur nature hautement subjective, il est très difficile, voire même impossible, de chiffrer adéquatement les dommages non pécuniaires, et ce, sans parler de l’important risque d’abus de ce recours en l’absence de balises précises. Néanmoins, il demeure nécessaire de trouver une méthode afin d’évaluer ces pertes, en l’occurrence, à l’aide du D.A.P.
Le déficit anatomophysiologique (D.A.P.)
D’emblée, il convient de se rappeler que chaque cas comporte ses propres faits, et donc, différents critères peuvent être retenus d’un cas à l’autre pour établir le quantum de l’indemnisation. Or, la Cour supérieure admet généralement un montant dont le rapport est de 10 000 $ par point de pourcentage du D.A.P retenu. En fait, le déficit anatomophysiologique (D.A.P.) est un rapport exprimé en pourcentage et établi par preuve médicale qui traduit au juge l’étendue ou la gravité objective des blessures ou des limitations subies par la victime.
Par exemple, la preuve médicale assimile la chute, tête première, d’un jeune homme dans le fond d’un lac résultant en de blessures sérieuses à la colonne cervicale à un D.A.P. de 6,5 %. Ainsi, c’est à l’aide de cette donnée, ainsi que d’autres facteurs subjectifs, propres à chaque victime, notamment son âge, son niveau d’activité avant l’accident et les activités que la victime ne pourra plus pratiquer, que le juge vient quantifier le montant indemnisable en l’espèce. Il convient, par exemple, d’indemniser davantage pour un même préjudice lorsque celui-ci affecte de manière permanente une victime en bas âge, qui devrait théoriquement avoir tous les choix de carrière imaginables à sa disposition. Pareillement, il est logique d’indemniser davantage pour un même préjudice une victime ayant un mode de vie particulièrement actif et qui se verrait privée des plaisirs quotidiens que lui procure l’activité physique.
En somme, chaque victime reçoit le juste montant à titre d’indemnisation, en fonction de la sévérité avec laquelle l’accident en question a affecté sa vie, de manière objective autant que subjective. Cependant, contrairement aux pertes de nature pécuniaires, il existe un montant limite pouvant être attribué à titre de compensation pour le préjudice non pécuniaire. En effet, la Cour suprême vient fixer en 1978 un plafond de 100 000$, annexable à l’année en cours, sur l’indemnisation accordée sous le chef des dommages non pécuniaire. Ce montant correspond d’ailleurs à environ 360 000$ en date de 2019.
Le partage de la responsabilité
Dans un autre ordre d’idées, il est également important de souligner qu’un partage de la responsabilité peut ultimement être déclaré lorsque la victime est jugée avoir contribué à son propre préjudice. Dans ce cas, la victime devra assumer elle-même un pourcentage de l’indemnisation à laquelle elle aurait normalement droit.
On pense, par exemple, à celui qui accepte de déneiger le toit de son voisin, une opération manifestement risquée, en omettant toutefois de se munir d’une quelconque mesure de sécurité en vue de prévenir une chute potentielle (courroie, harnais, etc.). Dans ce cas, un partage de 50% a été imputé à la victime de l’accident, mais il convient de préciser que l’étendue du partage est déterminée pour chaque cas en fonction des faits en l’espèce. Ainsi, plus la victime participe à son propre malheur, plus le partage aura tendance à jouer en sa défaveur.
Pour conclure, afin d’évaluer le montant auquel la victime aurait droit à titre d’indemnisation en responsabilité civile, il convient de faire la somme des pertes pécuniaires (pertes salariales et soins médicaux) et non pécuniaires (en fonction du D.A.P. et de nombreux facteurs propres à la victime) retenues par le juge. Toutefois, un montant peu être retranché à cette somme sur la preuve de la participation manifeste de la victime à son propre malheur. Bref, on constate que plusieurs facteurs sont susceptibles d’entrer en jeu lorsque vient temps d’évaluer un préjudice corporel en responsabilité civile.
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