Au Québec, c’est normalement la personne qui réclame les dommages qui a le fardeau de la preuve. En d’autres mots, c’est la victime qui doit prouver les trois éléments de la responsabilité civile : l’existence d’une faute et d’un préjudice, et le lien de causalité entre les deux.
Toutefois, le Code civil du Québec prévoit quelques exceptions pour lesquelles le fardeau de preuve est renversé. Dans ces situations, la personne à qui la victime réclame les dommages est présumée responsable et doit apporter des preuves pour réfuter cette présomption. C’est le cas de la responsabilité pour le fait d’autrui et pour le fait des biens.
Dans le texte ci-dessous, Me Lambert explique le fonctionnement de la présomption de responsabilité pour la faute causée par un bien.
La responsabilité pour le fait d’un bien
Selon l’article 1465 du Code Civil du Québec, le gardien d’un bien peut être tenu responsable du fait autonome de celui-ci :
Le gardien d’un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu’il prouve n’avoir commis aucune faute.
Prenez note qu’il faut accorder une attention particulière à trois mots utilisés dans cet article, soit les mots « gardien », « autonome » et « bien ».
Gardien ou propriétaire?
Tout d’abord, veuillez noter que le Code utilise le mot « gardien » et non pas « propriétaire », parce que la personne qui sera présumée responsable de la faute causée par le bien n’en est pas nécessairement propriétaire. En effet, c’est la Cour qui déterminera l’identité du gardien du bien en analysant qui, au moment auquel le dommage eut lieu, avait le pouvoir de contrôle, surveillance et direction du bien.
Un fait autonome
Ensuite, le fait ayant causé le dommage doit être « autonome », c’est-à-dire qu’il ne doit pas avoir eu d’intervention directe de la part du gardien ou d’un tiers.
De plus, le bien doit avoir une activité propre. Il ne peut pas être resté purement passif lors de l’événement causant le dommage; il doit y avoir un élément de dynamisme.
C’est pourquoi, par exemple, une chute sur un trottoir glissant ne s’encadre pas dans les cas de l’article 1465 et il n’y a pas de présomption de faute : le trottoir ne bouge pas, il reste passif.
Le type de bien
La définition de « bien » est large. Elle comprend les biens meubles, immeubles, corporels (un bien corporel est un bien matériel, que l’on peut toucher) et incorporels.
Une présomption de faute
Veuillez noter qu’il s’agit ici d’une présomption de faute, et non de responsabilité, ce qui veut dire que le gardien du bien peut se dégager de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a pas commis de faute.
Donc, si le gardien peut démontrer qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter les dangers prévisibles, ou s’il prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, du fait d’un tiers ou de la victime elle-même, il ne sera pas tenu responsable du dommage causé.
Prenons le cas, par exemple, d’un arbre malade, qui porte plusieurs champignons, et qui tombe sur le garage du voisin et cause un préjudice. Le gardien de l’arbre, dans ce cas le propriétaire du terrain sur lequel se trouvait l’arbre malade, est responsable du dommage causé.
Par contre, dans un dossier de la Cour du Québec, le gardien de l’arbre n’a pas été trouvé responsable du préjudice causé. Son arbre est tombé, après des vents violents, sur le garage de son voisin. Mais la différence dans ce cas est qu’il avait demandé à la Ville la permission de couper l’arbre, mais s’est fait refuser par la Ville, car l’arbre était sain. La Cour a trouvé que le gardien n’avait pas commis de faute et qu’il ne pouvait pas prévenir ou empêcher le fait ayant causé le préjudice.
Les cas spéciaux
Le Code Civil du Québec prévoit certains cas spécifiques pour les dommages résultant du fait d’un animal ou de la ruine d’un immeuble.
La responsabilité résultant du fait d’un animal
Le propriétaire et/ou le gardien de l’animal sont responsables des dommages causés par ce dernier, même s’ils ont pris toutes les précautions nécessaires pour les prévenir. Alors, dans ce cas, c’est une présomption de responsabilité, et non de faute.
Le propriétaire et le gardien ne pourront se dégager de la responsabilité que s’ils prouvent que le préjudice a été causé par une force majeure, la faute de la victime ou la faute d’un tiers.
La responsabilité résultant de la ruine d’un immeuble
Le propriétaire d’un immeuble est présumé responsable des dommages occasionnés par la ruine de celui-ci, soit en raison d’un vice de construction, soit à cause d’un manque d’entretien.
Il incombe à la victime de prouver une négligence de la part du propriétaire, de démontrer les préjudices subis, et d’établir le lien de causalité.
Par contre, le propriétaire de l’immeuble peut, afin de dégager sa responsabilité, apporter des preuves pour démontrer qu’il a pris les précautions nécessaires et que l’accident n’était pas le résultat d’une faute de sa part (par exemple, que l’accident a été causé par une force majeure).
Poursuivre une personne présumée responsable pour la faute d’un bien
Si vous avez subi un préjudice causé par le fait autonome d’un bien, vous pourriez avoir droit de réclamer des dommages aux personnes qui en sont présumées responsables. Le fardeau de la preuve sera renversé, mais vous aurez quand même plusieurs éléments à prouver. Nous vous conseillons de ne pas tarder à agir et de vous munir de toutes les preuves possibles.
N’oubliez pas que nos articles contiennent des explications générales de la loi et les situations mentionnées sont à titre d’exemple. Les circonstances particulières de votre cas peuvent faire varier énormément vos chances de succès et un avocat vous aidera à les maximiser. Communiquez avec notre bureau dès maintenant afin que nous puissions faire une analyse de votre dossier.
Pour ne pas manquer nos prochains articles, consultez nos capsules juridiques hebdomadaires sur de différents sujets d’ordre juridique sur notre page Facebook!