Article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que :
Chacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires.
Pour que cette protection constitutionnelle soit mise en œuvre, il faut une perte de liberté réelle. La détention suppose une contrainte physique ou psychologique importante. Le simple fait de retarder une personne n’équivaut pas à une détention, par exemple, un policier qui aborde une personne dans la rue pour lui poser des questions sur un événement qui venait de se produire.
La détention pour fins d’enquête
Les policiers disposent d’un pouvoir limité de détenir une personne afin de faire une enquête. Le fondement de ce pouvoir se trouve dans le devoir général des policiers de protéger la vie et les biens, de maintenir la paix ainsi que de prévenir le crime.
Est-ce que ce pouvoir peut être exercé dans n’importe quelle circonstance?
La réponse est non. En effet, la jurisprudence vient baliser le pouvoir des policiers de détenir un individu pour fins d’enquête. Les policiers doivent acquérir, de l’ensemble des circonstances, des motifs raisonnables de soupçonner qu’un lien clair existe entre la personne et un crime qui vient d’être commis ou qui est en cours.
Le policier m’aborde et me pose des questions. Suis-je libre de partir?
En vertu de sa mission de protection des individus et des biens et du maintien de la paix, un policier peut aborder un individu et lui poser des questions afin de clarifier une situation sans pour autant l’arrêter ou le détenir.
Dans de telles circonstances, l’individu n’aura aucune obligation de répondre aux policiers et sera libre de partir. Ainsi, il faut distinguer les questions préliminaires et exploratoires des questions empêchant l’accusé de sa liberté de coopérer ou pas.
Pour distinguer le cas d’une personne détenue, donc pas libre de partir, d’une personne simplement interrogée de façon préliminaire, donc libre de partir et de ne pas coopérer avec le policier, il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances. Considérant le contexte, une personne raisonnable n’aurait pas été amenée à penser qu’elle devait coopérer et répondre aux questions du policier. Dans ce cas, la conclusion sera à l’effet que la personne n’était pas détenue, car elle était libre de partir et ne pas répondre aux questions du policier.
L’importance de distinguer entre ces deux situations est grande au regard des droits dont dispose l’individu en vertu de la Charte. Ainsi, un individu qui n’est pas détenu et répond simplement aux questions d’un policier ne peut prétendre par la suite que ses droits garantis par la Charte ont été violés.
Il faut retenir que l’application de la Charte ne se pose que si la personne est sous contrainte physique ou psychologique. Il s’agit là d’une question de faits et chaque cas doit être analysé à la lumière des faits au dossier.
Par ailleurs, la détention pour fins d’enquête doit être brève et ne pas se prolonger dans le temps. Bien qu’il n’existe pas de standard au-delà duquel la détention devient illégale, il est bien vrai que les circonstances entourant la détention seront toujours à considérer quand vient le temps de déterminer si la détention viole les droits garantis par la Charte.
La détention dans le cadre des infractions de conduite
La question se pose lorsqu’un automobiliste se fait intercepter par un policier en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par une loi relative à la conduite d’une automobile. Suite à l’interception, il est bien évident de dire que l’automobiliste doit coopérer et n’est pas libre de partir. Il se trouve donc en état de détention par le policier.
On parle ici, du cas où le policier n’a aucun motif d’intercepter le véhicule autre que le pouvoir tiré de l’article de loi lui conférant le pouvoir d’intercepter l’individu sans motifs. Il s’agit donc des cas d’interception au hasard.
La première décision de la Cour suprême pour justifier ce pouvoir des policiers fut fondée sur le devoir général des policiers de préserver la paix et l’ordre public. En vertu de ce pouvoir, le policier peut arrêter le conducteur d’un véhicule dans le cadre d’un programme mis en place pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. La Cour a déterminé qu’un tel pouvoir est justifié eu égard à l’objectif poursuivi, à la contrainte raisonnable que subit le conducteur et aux moyens mis en place.
Dans une autre décision, la Cour suprême a examiné le pouvoir d’interception prévu par le code de la route ontarien. Dans cette décision, la Cour avait jugé la détention arbitraire, mais justifié en vertu de la Charte.
Le cas du Code de la sécurité routière du Québec
L’article 636 du Code de la sécurité routière prévoit que :
Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu’il exerce en vertu du présent code, des ententes conclues en vertu de l’article 519.65 et de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds, exiger que le conducteur d’un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.
Suivant le raisonnement adopté par la Cour suprême relativement aux dispositions du Code de la route ontarien, c’est sans surprise que la Cour d’appel du Québec a déterminé que l’article 636 du Code de la sécurité routière est conforme aux principes constitutionnels.
Le pouvoir conféré par cette disposition étant très large et exorbitant, il est bien évident qu’une interception fondée sur l’application de cet article doit être scrupuleusement scrutée pour déceler si d’autres motifs cachés et qui rendraient l’interception et la détention, de facto, contraires aux droits garantis par la charte. En effet, tout objectif d’interception qui ne serait pas celui poursuivi par l’article 636 ne pourra justifier une interception en vertu du pouvoir conféré par cet article. Le pouvoir d’interception en vertu du Code de la sécurité routière ne peut être utilisé par les policiers pour poursuivre d’autres objectifs que ceux prévus dans le code.
Chaque interception doit être regardée à la loupe pour tenter de déceler des motifs détournés qui ne seraient pas ceux poursuivis par le Code de la sécurité routière. Dans pareil cas, il n’est pas rare qu’une violation des droits garantis par la Charte soit reconnue en raison de l’illégalité de l’interception et de la détention qui s’en est suivi.
En ce sens, dans une décision récente de la Cour supérieure, la Cour a invalidé l’article 636 du Code de la sécurité routière:
le Tribunal en arrive à la conclusion que la règle de common law et l’article 636 C.s.r. qui permettent en toute légalité d’intercepter le conducteur d’un véhicule routier sans motif réel ou soupçon dans le seul but de procéder à des vérifications ne peuvent se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique compte tenu des impacts qu’ils ont sur les personnes noires.
Si vous êtes accusé au criminel, il est important de se faire représenter par un avocat criminaliste compétent. Ce dernier s’assurera que vos droits garantis par la Charte n’ont pas été violés. Contactez-nous pour être représenté par Lambert Avocats.