L’éviction est l’une des exceptions au droit au maintien dans les lieux du locataire. Ce droit permet à ce dernier d’occuper son logement aussi longtemps qu’il le souhaite, autant qu’il respecte ses obligations découlant du bail et de la loi.
L’éviction est le processus que doit utiliser le locateur (celui qui loue le logement et qui en est, la majorité du temps, aussi le propriétaire) lorsqu’il a l’intention d’effectuer certains projets précis dans le logement. Ce mécanisme ne doit pas être confondu avec la reprise de logement qui est plutôt utilisée lorsque le locateur veut reprendre le logement pour s’y loger ou y loger certaines autres personnes définies par la loi.
Veuillez noter d’ailleurs que la Loi 31, entrée en vigueur le 21 février 2024, change les dispositions du Code civil du Québec en ce qui a trait à l’éviction. Nous tiendrons compte de ces changements ici. Nous vous aidons pour les questions en droit du logement :Droit des propriétaires, Décès du locataire, Éviction, Non-paiement de loyer et retards fréquents, Reprise de logement, Résiliation, sous-location et cession de bail
Avis d’éviction
Le locateur doit aviser le locataire de l’éviction au moins 6 mois avant la fin du bail si ce dernier est à durée fixe de plus de 12 mois. Cependant, si le bail est d’une durée fixe de moins de 6 mois, l’avis doit parvenir au locataire au moins 1 mois avant l’expiration. Si le bail est à durée indéterminée, le délai est d’au moins 6 mois avant la date prévue pour l’éviction.
Selon le Code civil, l’avis doit contenir la raison ainsi que la date prévue de l’éviction. Il doit aussi contenir les informations concernant la protection des locataires de 70 ans et plus qui remplissent certaines conditions.
Avis envoyé avant l’entrée en vigueur de la Loi 31
Tout avis envoyé avant le 21 février 2024 ne bénéficie pas des dispositions modifiées par la loi 31. Ainsi, les anciens articles du Code civil s’appliquent en cette matière.
Pour qu’une éviction soit valide, elle doit être faite seulement pour l’une des raisons suivantes :
- Le locateur veut subdiviser le logement, par exemple en transformant un logement de 6 pièces en 2 logements de 3 pièces;
- Le locateur veut agrandir substantiellement le logement, par exemple en y ajoutant une pièce;
- Le locateur veut changer l’affectation du logement, par exemple en transformant un logement en bureau commercial.
Il faut également que le locataire visé par l’éviction ou son conjoint ne soit pas, au moment de l’éviction, âgé de 70 ans ou plus, n’occupe pas le logement depuis au moins 10 ans et n’ait pas un revenu égal ou inférieur au revenu maximal permettant l’admissibilité à un logement modique. La Société d’habitation du Québec publie sur son site les seuils de revenu maximal permettant à un locataire d’être admissible à un logement à loyer modique ici.
Options du locataire suite à la réception de l’avis d’éviction
Dans le mois de la réception de l’avis, le locataire qui souhaite contester l’éviction doit saisir le Tribunal administratif du logement (TAL). Le TAL décidera s’il autorise ou non l’éviction. Si le locataire décide plutôt d’accepter l’éviction, il n’a qu’à respecter les conditions prévues dans l’avis.
Devant le TAL, le locateur doit prouver que son projet de subdivision, d’agrandissement ou de changement d’affectation est sérieux ainsi que légal notamment en vertu des règlements municipaux. Il doit aussi démontrer qu’il a déjà entrepris des démarches préparatoires pour réaliser son projet. À cette fin, le locateur peut par exemple fournir des plans du projet, une estimation des coûts ainsi que les permis municipaux nécessaires pour la réalisation des travaux.
Si le TAL décide d’autoriser l’éviction, il peut aussi imposer des conditions au locateur, comme le report de la date du départ du locataire ou encore le montant des frais de déménagement raisonnables que le locateur devra lui payer.
Si l’éviction a lieu, la loi oblige le locateur à payer 3 mois de loyer au locataire ainsi que les frais raisonnables de déménagement (le coût des boîtes, de la location d’un camion, du branchement de Hydro-Québec, etc.). Les frais engagés pour le déménagement ne doivent donc pas être inutiles, exagérés ou frivoles. Le paiement de ces frais se fait lorsque le locataire présente au locateur les documents prouvant leur montant (factures, contrats, etc.). Pour sa part, le paiement des 3 mois de loyer se fait à l’expiration du bail ou à la date prévue de l’éviction. Le locataire peut obtenir une plus grande compensation pécuniaire s’il prouve que le préjudice subi à cause de l’éviction est plus élevé.
Finalement, que le locataire soit d’accord ou non avec le projet d’éviction du locateur, il a toujours l’option de demander au TAL de reporter la date de son départ.
Mauvaise foi du locateur
L’éviction est faite de mauvaise foi si elle n’est pas justifiée par l’une des 3 raisons nommées au Code civil. Un cas courant de mauvaise foi est l’éviction faite pour rénover le logement pour ensuite le remettre sur le marché locatif à un prix plus élevé. Cependant, le Tribunal note que le désir du locateur de rentabiliser son immeuble grâce à son projet n’est pas un indice de sa mauvaise foi.
Le locataire peut légalement obtenir une indemnisation lorsque l’éviction est faite de mauvaise foi, et ce, peu importe s’il avait consenti de plein gré à l’éviction ou si c’était le TAL qui l’avait autorisé. Il est également possible pour le locataire d’obtenir des dommages punitifs, qui ne visent pas à indemniser un préjudice subi par le locataire mais à réprimander la mauvaise conduite du locateur.
Éviction qui n’a pas lieu
Si le locateur n’exerce pas son droit d’éviction à la date prévue dans l’avis ou par le TAL, le bail est reconduit de plein droit, c’est-à-dire qu’il est automatiquement renouvelé sans nécessiter l’intervention du TAL, tant que le locataire continue d’occuper le logement et que le locateur y consente. Dans le mois suivant la date prévue pour l’éviction, le locateur peut s’adresser au TAL pour faire fixer un nouveau loyer.
Si le TAL refuse l’éviction et que cette décision est rendue après l’expiration des délais prévus pour éviter la reconduction du bail ou modifier celui-ci, le bail est également reconduit de plein droit et le locateur peut demander au TAL, dans le mois de la décision, de fixer un nouveau loyer.
Loi 31
La loi 31, entrée en vigueur le 21 février 2024, modifie plusieurs dispositions relatives au droit du logement et, dans le cas de reprise et d’éviction, s’applique à tous les avis envoyés après son entrée en vigueur.
Voici les principaux changements dont il faut tenir compte:
- Le locataire n’a plus besoin d’introduire un recours devant le TAL pour s’opposer à son éviction.
En effet, sur réception d’un avis d’éviction, le locataire n’est désormais tenu qu’à aviser son locateur de son intention de l’accepter ou non. Cela signifie donc que si le locataire ne donne pas suite à cet avis, il est réputé avoir refusé de quitter son logement.
Le locateur qui désire maintenant obtenir une éviction malgré le refus de son locataire doit demander l’autorisation du Tribunal pour ce faire. Il a un délai d’un mois à compter de la date du refus pour déposer sa demande et doit prouver:
- Que la loi autorise la subdivision, l’agrandissement ou le changement d’affectation du logement concerné;
- Qu’il planifie réellement l’éviction de son locataire et ce, pour le motif mentionné dans l’avis; et
- Qu’il n’utilise pas l’éviction pour d’autres fins, tel que par exemple pour relouer son logement à un prix plus élevé.
- L’indemnité que doit payer un locateur au locataire évincé a été bonifiée
Plus exactement, en plus de devoir payer des frais raisonnables de déménagement, le locateur est aussi tenu de payer une indemnité équivalente à 1 mois de loyer pour chaque année de location ininterrompue par le locataire, jusqu’à un maximum de 24 mois de loyer. L’indemnité ne peut pas non plus être inférieure à un montant équivalent à 3 mois de loyer.
- Le locateur doit désormais démontrer que l’éviction a été faite de bonne foi lorsqu’il est visé par une poursuite en dommages-intérêts suite à une éviction.
Si vous avez besoin d’une assistance juridique concernant l’éviction de votre locataire, n’hésitez pas à faire appel à notre équipe spécialisée en droit locatif.