Le fléau des « no-shows » n’est certainement pas une problématique nouvelle à laquelle les restaurateurs, parmi tant d’autres, doivent affronter. Or, il semble que le phénomène est en pleine croissance et les commerçants en ont assez de cette guerre avec les clients fantômes.
En effet, il est de plus en plus commun de voir le prélèvement d’un frais en cas d’annulation d’une réservation pour un service quelconque. Certains accorderont la possibilité d’annuler jusqu’à 48h précédent la date fixée, alors que d’autres sont plus rigides et n’accordent aucune possibilité de remboursement de dépôt. Cette nouvelle pratique fait en sorte que le commerçant prélève des frais directement sur votre carte de crédit, sans pour autant vous avoir échangé le service correspondant.
Cette capsule démystifiera le droit applicable en termes de frais d’annulation dans les commerces, que ce soit de la sortie au spa à celle au restaurant.
Les sources législatives
La Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.) a pour objectif de protéger les consommateurs des grandes compagnies qui voudraient adopter des pratiques malhonnêtes dans le but d’augmenter les ventes ou bien d’éviter une perte profit. Dans la présente situation, deux articles de cette loi peuvent s’avérer pertinents.
En vertu de l’article 13 de la L.p.c. :
Est interdite la stipulation qui impose au consommateur, dans le cas de l’inexécution de son obligation, le paiement de frais, de pénalités ou de dommages, dont le montant ou le pourcentage est fixé à l’avance dans le contrat, autre que l’intérêt couru.
Cet article distingue cependant le contrat de vente ou de louage automobile à long terme et le contrat de crédit, ces derniers n’étant pas visés par l’interdiction ci-dessus.
En ce sens, un restaurant qui fixe un frais à l’avance dans le but de le facturer si le client ne se présente pas à sa réservation est une pratique illégale.
En vertu de l’article 11.4 de la L.p.c., aucune stipulation ne peut exclure l’application des articles 2125 et 2129 du Code civil du Québec. Ces articles permettent au client de résilier unilatéralement les contrats. L’entrepreneur est alors tenu de restituer les sommes qu’il aurait reçu de ce dernier.
En conséquence, les dispositions du Code civil deviennent d’ordre public pour le commerçant qui fournit un bien ou un service à un consommateur. En ce sens, un consommateur pourra résilier tout contrat qu’il a avec ce commerce, et ce, sans que l’approbation du commerce soit nécessaire.
Le Code ajoute également que s’il y a déjà eu prélèvement d’un montant avant la remise du bien ou du service, ce montant doit être remis au client en cas de résiliation.
Considéré ainsi, il n’a aucune interdiction pour un restaurant de demander un dépôt afin de pouvoir procéder à la réservation, tant que ce dépôt est remis au client, peu importe si ce dernier s’est présenté ou non à la date prévue. Il est alors illégal de conserver un dépôt dans le cas du non-respect de l’obligation de la part du client.
Limites d’application de la Loi
Or, cette interdiction, puisqu’elle tire sa source de la Loi sur la protection du consommateur, ne s’applique qu’aux contrats conclus entre un consommateur et un commerçant. Le consommateur est une personne physique qui se procure généralement, pour son propre compte, des biens ou un service auprès d’une entreprise.
Par ailleurs, il est alors primordial de différencier le commerçant de l’artisan et du professionnel, car ces derniers ne sont pas tous régis par le même cadre juridique.
- Le professionnel, tel que le notaire, le dentiste, le psychologue ou le médecin, n’est pas assujetti à la L.p.c. Il est habituellement associé à un ordre professionnel et il est plutôt régi par son Code de déontologie correspondant.
- L’artisan est généralement assimilé au travailleur autonome. Par exemple, une esthéticienne ou un coiffeur qui travaille à son compte et non dans un salon ou un spa ne sera pas assujetti à la L.p.c.
- Le commerçant exerce une activité commerciale régulière dans le but de réaliser un profit. Par exemple, les restaurants, les supermarchés et les boutiques de vêtements sont tous des commerçants par le fait qu’ils fournissent des biens ou des services aux consommateurs. Ces derniers sont assujettis à la L.p.c.
Bref, il y a de bonnes chances que la L.p.c. s’applique dans les situations où une personne se procure un service dans une entreprise. Si cette dernière facture à ses clients des frais fixés préalablement en cas d’annulation, le client a plusieurs recours qui s’offrent à lui, puisque ce genre de pratique constitue une facturation d’un frais illégal au sens de cette même loi.
Les recours en cas de faute
Dans le cadre du non-respect de la loi, il est possible de se tourner vers le tribunal afin d’obtenir un remboursement des frais prélevés illégalement. Il est également possible de poursuivre pour obtenir des dommages et intérêts compensatoires.
Le non-respect de la L.p.c. peut entrainer des amendes et des dommages punitifs afin de dissuader les commerçants d’adopter des comportements abusifs. Si vous croyez que vos droits ne sont pas respectés, il y a de fortes chances que vous ne soyez pas seul dans votre situation. N’hésitez pas à nous contacter afin de connaitre vos options.