Vous êtes en train de souper chez votre ami quand celui-ci s’effondre. Vous reconnaissez les signes d’accident vasculaire cérébral (AVC). Vous avez fait votre cours de premiers soins et savez que, dans ce type de situation, la rapidité à laquelle on intervient est cruciale. Vous appelez les services d’urgence et les informez de la situation, mais ces derniers mettent beaucoup de temps à arriver sur les lieux. Une fois arrivés, les ambulanciers se dépêchent d’envoyer votre ami à l’hôpital afin qu’il puisse être traité. On vous explique qu’il s’en sortira, mais non sans quelques séquelles qui auraient pu être évitées grâce à une intervention plus rapide et efficace.
Votre ami peut-il intenter un recours contre la ville afin d’être dédommagé pour les séquelles causées par l’intervention tardive des ambulanciers?
Me Lambert se penche sur cette question en expliquant la législation applicable à l’aide d’exemples jurisprudentiels.
La responsabilité des villes et municipalités
Tout d’abord, il faut savoir que l’État, ainsi que ses organismes bénéficient d’une protection à l’égard des décisions politiques qu’elles prennent. Cela veut dire que ni le gouvernement ni les municipalités ne peuvent être tenus responsables des politiques qu’elles choisissent d’adopter ou de rejeter. Par exemple, on ne pourra pas poursuivre une ville parce qu’on a chuté sur un trottoir glacé si celle-ci a décidé de ne pas offrir un service de déneigement.
Par contre, les municipalités peuvent voir leur responsabilité engagée pour les décisions d’ordre opérationnel. Cela réfère à la façon dont elles choisissent d’exécuter et d’administrer le service qu’elles ont décidé d’offrir. Lorsque la ville entre dans cette sphère, elle perd son immunité; elle est alors soumise aux règles de droit civil et un recours en responsabilité civile devient possible.
La ville devra donc agir avec diligence dans l’exercice de ses fonctions afin d’offrir des services adéquats, sécuritaires et efficaces. Comme dans la majorité des recours en responsabilité civile, il faudra démontrer avec succès la faute commise par la ville, le préjudice causé ainsi que le lien de causalité entre ces deux éléments.
Devoir de se comporter avec diligence
Prenons l’exemple d’un dossier contre la Ville de Beauport étant monté jusqu’à la Cour suprême. Comme la plupart des villes, la Ville de Beauport a décidé de mettre en place un système d’aqueducs et un service de lutte contre les incendies.
Un incendie survient dans un complexe hôtelier et les pompiers sont dépêchés sur les lieux. Alors qu’ils commencent à peine à combattre l’incendie, ceux-ci manquent d’eau et les bornes-fontaines se trouvent à sec. On remarque que l’eau est gelée dans les aqueducs et les pompiers doivent attendre 45 minutes avant de pouvoir s’attaquer à l’incendie de nouveau.
Dans cette décision, les juges du plus haut tribunal du Canada ont conclu que la ville, bien qu’elle n’était pas responsable de la création de l’incendie, elle était du moins responsable des dommages résultant de l’incapacité des pompiers à agir dans un délai raisonnable.
En effet, la loi impose aux villes une obligation de moyens en ce qui concerne les décisions opérationnelles. Cela veut dire qu’on ne leur exige pas de prévoir et de pallier à tous les scénarios possibles, mais plutôt de se comporter diligemment et de prendre toutes les mesures possibles afin de prévenir les accidents prévisibles.
En l’espèce, la ville aurait dû s’assurer que les installations d’aqueduc et le service d’incendie qu’elle fournissait étaient règlementaires et aptes à l’usage en vérifiant régulièrement l’état de la tuyauterie et cette omission constitue donc une faute.
Devoir de disponibilité
En ce qui a trait au service d’ambulance, l’obligation de la ville est similaire à celle expliquée précédemment. Elle doit, au meilleur de ses capacités, s’assurer d’offrir un service fiable ainsi qu’un délai d’intervention efficace.
Par exemple, la ville a le devoir de s’assurer de la disponibilité de ses répondants et de leurs véhicules. Ainsi, elle commet une faute dans l’exécution pratique de ses fonctions en omettant d’engager plus d’ambulanciers ou de commander plus de véhicules si le nombre de ressources humaines ou matérielles s’avère insuffisant.
C’est malheureusement ce qui s’est produit dans le cas tragique de Hugo St-Onge. Ce jeune homme de 24 ans est décédé suite à un arrêt cardiaque alors que l’ambulance avait mis 17 minutes pour arriver. Les experts précisent qu’un délai d’intervention supérieur à 15 minutes rend presque nulles les chances de réanimation. Ce cas est survenu dans la Ville de Lévis et les recherches démontrent que les ressources dont bénéficiait la municipalité à l’époque correspondaient à celle d’une ville ayant une population de 45 000 habitants. Or, puisque Lévis représente une population de 145 000 habitants, un tribunal examinant cette situation pourrait conclure à une faute de la part de ville.
Toutefois, chaque situation est un cas d’espèce et tous les faits doivent être analysés dans leur ensemble. Il faut garder en tête qu’il y a plusieurs autres facteurs à considérer dans ce type de dossier, tels que :
- la distance entre l’ambulance au moment où l’appel est reçu et l’endroit où il faut qu’elle se rende;
- la condition médicale de la personne ayant besoin de secours;
- la clarté des informations et des directions fournies par la personne ayant appelé l’ambulance.
N’hésitez pas à contacter notre cabinet si vous ou un proche a subi un cas semblable.
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