Vous mettez fin à votre relation et votre ex, ayant gardé des photos intimes de vous, décide de les publier. Vous n’avez pas consenti à ce que ces images, qui lui étaient exclusivement destinées, soient diffusées.
Ceci est une atteinte à vos droits qui peut donner lieu à une poursuite au civil, et même à une sanction pénale. Me Lambert vous explique vos droits, les démarches que vous pouvez entreprendre et les situations dans lesquelles vous pouvez intenter un recours.
N.B. : Dans cet article, nous utiliserons le cas de votre ex, un homme, qui publie des photos de vous, une femme, puisque c’est le cas le plus fréquent. Mais ce n’est qu’un exemple utilisé pour simplifier la lecture du texte ; ce genre de chose peut arriver à tout le monde, dans de diverses situations.
Vos droits suite à la publication d’une photo érotique
Vous avez peut-être entendu dire que votre ex a droit à la liberté d’expression, mais ceci ne veut pas dire qu’il peut publier n’importe quoi, sans conséquences. En effet, ses droits et libertés à cet égard terminent là ou les vôtres commencent.
Droit à la vie privée et droit à l’image
Premièrement, même si la photo n’est pas de caractère intime, vous avez droit à la vie privée, ce qui inclut le droit à l’image. La Cour a décidé que l’on ne peut pas publier et diffuser des photos de vous sans votre consentement, à moins que vous vous encadriez dans l’une des situations suivantes :
- Vous êtes une personnalité publique, comme une chanteuse célèbre ou une politicienne connue;
- Votre rôle sur la photo est secondaire, c’est-à-dire, vous n’êtes pas l’objet principal de la photo mais un élément parmi beaucoup d’autres, et ce, même si vous êtes reconnaissable. C’est le cas d’une photo du public prise lors d’un concert que vous assistez avec des centaines d’autres fans, ou une photo des Champs Élysées où vous êtes présents en arrière-plan;
- Vous étiez inconnue, mais jouez un rôle important dans une affaire d’intérêt public. Par exemple, vous êtes un témoin dans un grand procès.
En fin de compte, c’est le Tribunal qui prendra sa décision, prenant en compte votre droit à l’image et l’intérêt du public. Par contre, une photo de caractère sexuel, probablement prise dans un lieu privé et pour laquelle votre ex n’a pas obtenu votre autorisation pour en faire la diffusion, ne s’encadrerait pas dans les exceptions, même si vous êtes une célébrité.
Droit à la réputation
Le droit au respect à la réputation est garanti par les articles 3 et 35 du Code civil du Québec, ainsi que par l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne. Ceci ne veut pas dire que personne n’a le droit de publier des choses sur vous seulement parce qu’elles vous gênent; la publication doit être de la diffamation.
Droit à la sécurité
La publication d’une image à caractère sexuel peut avoir un impact sur votre sécurité tel que le harcèlement sexuel et l’intimidation, qui, à leur tour, peuvent avoir des conséquences tragiques. Vous vous souviendrez sans doute du cas d’Amanda Todd, une jeune fille qui, après avoir eu une photo de ses seins diffusée sur Internet, a subi de l’intimidation, des agressions physiques et psychologiques, et a fini par se suicider.
La responsabilité civile
Il n’y a pas de recours spécifique pour une atteinte à la réputation, mais vous pouvez intenter un recours judiciaire sous le régime général de la responsabilité civile. Vous devrez prouver l’existence d’une faute et d’un préjudice, ainsi que du lien de causalité entre les deux.
La faute
En premier lieu, vous devez prouver que la publication a été faite par la personne que vous poursuivez (dans ce cas, votre ex) et que celle-ci constitue un comportement fautif.
On vous a peut-être dit que c’est de votre faute et que vous n’auriez pas dû prendre ce genre de photos si vous vouliez qu’elles restent privées. Cependant, au sens de la loi, il ne s’agit pas de votre faute si vous n’avez pas consenti – explicitement ou tacitement – à la publication de ces photos.
Puisque la publication d’une photo de caractère intime sans consentement est une violation des articles 162, 162.1 et 163 du Code criminel, le faire constituerait un comportement fautif au sens de l’article 1457 du Code civil du Québec.
Le préjudice
En plus de prouver la faute, vous devrez démontrer le préjudice que vous avez subi, ce qui peut inclure, notamment :
- Une atteinte à votre réputation;
- Un préjudice moral;
- Frais médicaux (Ex) psychologue);
- Le montant dépensé pour faire retirer la photo d’Internet;
- Divers troubles et inconvénients.
Étant donné que ce genre de préjudice peut être difficile à démontrer, nous vous conseillons de conserver des preuves – comme des copies de messages et de conversations – et/ou de prendre note de tout incident qui résulte de la diffusion de l’image (l’heure, date et description de l’événement).
Le lien de causalité
Pour que votre recours civil réussisse, vous devez démontrer l’existence du troisième élément de la responsabilité civile : le lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Par exemple, vous pouvez devoir prouver que vos dépenses chez le psychologue sont le résultat de troubles d’anxiété qui, à leur tour, ont été directement causés par la diffusion d’une photo intime de vous par votre ex.
Les recours disponibles devant le Tribunal
Si une photo de vous à caractère sexuel a été publiée sans votre consentement et vous voulez poursuivre la personne responsable au civil, n’hésitez pas à nous contacter pour une analyse vos chances de succès. Toutefois, pour votre sécurité et bien-être, ne nous transmettez pas des photos ou vidéos intimes; elles ne sont pas nécessaires pour une analyse préliminaire de votre dossier.
En plus d’intenter une poursuite au civil, vous pouvez, par exemple, vous adresser à votre ex ou au site où l’image a été publiée et demander que la photo soit enlevée. Si vous ne savez pas comment vous y prendre, consultez Aidez Moi SVP afin d’obtenir de l’aide.
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