Vous constatez que le marché immobilier est en effervescence, et vous voulez profiter de cette occasion pour vendre votre maison. Dans le but de rendre la cuisine au goût du jour et de retirer un maximum de profit de la vente, vous retenez les services d’un entrepreneur en construction, lequel vous indique que les travaux seront d’une durée d’un mois. Toutefois, alors que ces derniers ne sont pas terminés, ledit entrepreneur vous informe qu’il décide à lui seul d’apporter une modification au contrat vous liant tous les deux quant à sa durée. Vous n’êtes pas d’accord, et vous vous interrogez sur la légalité de cette modification sachant qu’il avait prévu, dans une clause de modification unilatérale, à même le contrat de service, que la durée des travaux pourrait être sujette à changement.
Dans cette capsule, nous analysons la légalité d’une clause de modification unilatérale dans un contrat de consommation. À cet effet, il est d’abord utile d’aborder les conditions générales que pose l’article 11.2 de la Loi sur la protection du consommateur (ci-après « L.p.c. ») pour qu’une telle clause soit valide, puis de qualifier la nature dudit contrat afin de déterminer si des conditions spécifiques, en sus des conditions générales, s’appliquent.
Les notions de commerçant et de consommateur
Avant même d’entamer une analyse de votre dossier, il convient de déterminer si vous êtes un consommateur et si la personne à laquelle vous reprochez la modification unilatérale est un commerçant au sens de la Loi sur la protection du consommateur afin de déterminer si cette dernière s’applique. Si c’est le cas, vous pourrez, à titre de consommateur, bénéficier notamment de l’article 11.2 L.p.c. et des protections qui en découlent, lesquelles seront abordées dans le présent article.
Les conditions générales auxquelles le commerçant est astreint
Par la lecture du libellé de l’article 11.2 L.p.c., on comprend d’ores et déjà qu’une stipulation à l’effet que le commerçant puisse insérer une clause de modification unilatérale dans le contrat l’unissant au consommateur n’est, en principe, pas permise.
Il faut donc que les modalités élaborées dans ce même article soient rencontrées pour que la clause modificatrice en question soit légale; si elles ne le sont pas, la clause sera, a contrario, illégale, et l’entrepreneur ne pourra conséquemment pas s’en prévaloir et apporter une modification quelconque telle qu’à la durée des travaux de rénovation.
Prévoir les éléments du contrat qui pourront faire l’objet d’une modification unilatérale
La clause à l’effet que le commerçant pourra unilatéralement faire des modifications se trouvant dans le contrat que vous aviez conclu initialement doit prévoir les éléments dudit contrat sur lesquels la modification pourra porter. En l’espèce, le commerçant doit donc avoir prévu, dans la clause de modification unilatérale, que la durée des travaux de rénovation pourrait être sujette à changement.
Au surplus, en citant les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina, la Cour, dans l’arrêt Vidéotron rappelle qu’une telle modification unilatérale pourrait également être soumise aux règles générales édictées au Code civil du Québec, qui prévoient que l’objet de la prestation doit être déterminé ou déterminable. Par déterminable, cela revient sommairement à dire, en l’espèce, que l’entrepreneur est tenu, dans la clause faisant partie du contrat vous unissant initialement, d’exposer des indices objectifs qui permettent de pouvoir anticiper grossièrement les modifications en question qui pourraient être apportées ainsi que leur ampleur. Le Code civil du Québec est donc plus exigeant à cet égard que ne l’est la Loi sur la protection du consommateur.
L’avis écrit par le commerçant
Préalablement au moment où la modification entre en vigueur, il faut qu’un avis écrit vous ait été envoyé, et ce, plus précisément au moins 30 jours avant cette date. Il est également à noter que cet avis doit être rédigé clairement et lisiblement et doit contenir la nouvelle clause ou la clause modifiée, sa version antérieure, sa date d’entrée en vigueur et vos droits, lesquels sont abordés ci-bas à même cette capsule.
Il est également primordial de qualifier le contrat vous unissant au commerçant, car certaines conditions additionnelles s’appliquent pour certains types de contrats.
Les onditions additionnelles concernant le contrat de service
Si le contrat de service est à durée déterminée
Par un contrat à durée déterminée, on entend un contrat dont le temps alloué pour effectuer la ou les prestations en question (la rénovation de la cuisine dans le cas qui nous occupe) a été fixé.
À titre d’exemple, le contrat vous unissant vous-même et l’entrepreneur en construction pourrait prévoir que ce dernier dispose d’un mois pour effectuer les travaux de rénovation de la cuisine. Si tel est le cas, la stipulation en question ne pourra en aucun cas porter sur un élément jugé essentiel au contrat, tel que la nature du service (la rénovation de la cuisine en l’espèce), le prix de ce service ou bien la durée du contrat.
Ceci suggère donc que, dans votre situation, votre contrat en étant un de service à durée déterminée, la clause modificatrice à l’effet que la durée des travaux pourra être prolongée sera jugée invalide par le tribunal et que, conséquemment, l’entrepreneur ne pourra pas s’en prévaloir.
Si le contrat de service est à durée indéterminée
Les limitations s’appliquant dans le cas d’un contrat de service à durée déterminée ne s’appliquent pas à un contrat de service qui est à durée indéterminée.
Il sera donc possible que, au contrat vous liant vous-même et l’entrepreneur, une clause de modification unilatérale vous soit opposée par ce dernier bien qu’elle vise un élément essentiel du contrat, en l’espèce la durée des travaux de rénovation.
Refus de la clause de modification unilatérale
Si la clause ainsi que la modification proposées par le commerçant sont jugées valides, vous ne pourrez pas refuser la modification tout en maintenant le contrat. Si elles sont jugées valides et que la modification a pour effet d’augmenter votre obligation ou de réduire celle du commerçant, vous pourrez néanmoins résilier ou résoudre le contrat selon qu’il s’agisse d’un contrat à exécution successive ou non, et ce, sans frais, pénalité ou indemnité quelconques de résiliation.
Vous pourrez donc, dans l’exemple susmentionné, signifier à l’entrepreneur que vous allez mettre un terme au contrat en raison du non-respect des modalités prescrites par l’article 11.2 L.p.c. Vous devrez néanmoins lui transmettre un avis à cet effet dans les 30 jours suivant l’entrée en vigueur de la modification que voulait apporter ledit entrepreneur.
Modification du prix d’un véhicule
Si vous étiez plutôt dans une situation où, à titre d’exemple, après avoir signé un contrat d’achat pour l’acquisition d’un véhicule, lequel prévoyait une clause de modification unilatérale quant à son prix, le concessionnaire décidait unilatéralement d’apporter une modification au prix du véhicule, lequel constitue, à titre de rappel, un élément essentiel du contrat, il vous serait possible de contester cette modification sur la base de la Loi sur la protection du consommateur en alléguant que, puisqu’il ne s’agit pas d’un contrat de service à durée indéterminée, mais plutôt d’un contrat de service à durée déterminée, la clause prévoyant la possibilité pour le commerçant de faire une modification unilatérale au sujet du prix ne serait pas valide, donc que la modification ne le serait pas non plus.
Il est donc effectivement possible qu’un commerçant vous imposant une modification en vertu d’une clause modificatrice ne soit pas en droit de le faire vu ce qui est prévu dans la loi. C’est la conclusion à laquelle le tribunal en est arrivé notamment dans l’affaire Feizollahi, où madame Feizollahi avait retenu les services d’un entrepreneur afin de réaliser des travaux d’aménagement extérieurs sur le terrain de sa maison. L’entrepreneur Aménagement Plus avait « plusieurs fois modifié unilatéralement les conditions du contrat, sans toutefois respecter les modalités prévues à cet article ».
Ceci étant dit, si vous croyez avoir été lésé par un quelconque commerçant et que vous en ayez subi un préjudice, n’hésitez pas à contacter notre cabinet afin de connaître vos droits plus en profondeur par rapport à votre situation particulière.
N’oubliez pas que chaque dossier est un cas d’espèce et que l’évaluation de celui-ci doit s’effectuer en prenant en considération tous les éléments pertinents. Veuillez également noter que si vous êtes plusieurs victimes, nous pourrons également entreprendre une action collective.




Poursuite civile pour les dommages causés par un accident d’automobile