Vous avez été victime d’un accident d’automobile et vous pensez qu’une personne ou que la ville en est responsable. Vous avez présenté une demande d’indemnisation à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), mais le montant reçu ne couvre pas tous les frais engendrés par l’accident, ou vous considérez qu’il n’indemnise pas entièrement les préjudices que vous avez subis. Pouvez-vous poursuivre la partie fautive en responsabilité civile? Nous vous expliquons dans quels cas il vous est possible de le faire.
Les indemnités versées par la SAAQ
Le Québec est doté d’un régime d’indemnisation public en ce qui a trait aux accidents d’automobile. Ainsi, toute victime d’un accident d’automobile peut présenter une réclamation auprès de la SAAQ afin d’être indemnisée. Ce régime a l’avantage de faciliter l’indemnisation des victimes et d’accélérer le processus.
Toutefois, il est possible que les montants reçus par la SAAQ ne couvrent pas tous les frais déboursés ou n’indemnisent pas tous les préjudices subis. En effet, la Loi sur l’assurance automobile ne prévoit que quatre catégories d’indemnité: les indemnités de remplacement du revenu, les indemnités pour préjudices non pécuniaires, les indemnités de décès et le remboursement de certains frais.
Pour ce qui est des préjudices non pécuniaires, seuls les blessures, les séquelles permanentes, le décès et les inconvénients qui y sont associés peuvent être indemnisés. Il est donc possible que l’indemnité que vous recevez ne couvre pas certaines conséquences de l’accident, telles que l’annulation d’un voyage, la perte de temps ou l’augmentation de votre prime d’assurance.
Pour ce qui est du remboursement de certains frais, les frais couverts sont établis dans la loi. Ainsi, si certains frais tels que les frais d’aide personnelle, les frais de soins médicaux et les frais de déplacement en vue de recevoir des soins sont couverts, d’autres ne le sont pas. Les frais associés aux dommages causés à l’automobile, notamment, ne sont pas couverts par la SAAQ.
La poursuite en responsabilité civile et le type de dommage
Si vous constatez que l’indemnisation par la SAAQ ne couvre pas tous les dommages que vous avez subis ou que vous pensez qu’une partie en faute est responsable de préjudices n’étant pas directement causés par l’accident, vous pouvez être tenté.e d’entamer une poursuite en responsabilité civile.
Afin d’évaluer si vous détenez un recours, il est essentiel de tenir compte de certains éléments importants. En vertu de la loi, la SAAQ possède la compétence exclusive en ce qui a trait à l’indemnisation des préjudices corporels causés par une automobile. Dans l’affaire Patrice c. Automobile Renault Canada ltée, la Cour d’appel du Québec a conclu que la loi empêche la victime d’un accident d’automobile d’intenter un recours en responsabilité civile pour un préjudice corporel et, ce, même si les préjudices corporels en question ne sont pas indemnisables par la SAAQ.
Il importe de mentionner que les tribunaux retiennent une définition large de la notion de « préjudice corporel », qui inclut le préjudice moral et les dommages causés à la « personne économique » de la victime. Ainsi, il n’est pas possible d’entamer un recours en responsabilité civile pour la perte de jouissance de la vie, la perte de capacité de gain, les inconvénients et même les déboursés consécutifs à l’accident, puisque ceux-ci et celles-ci sont considérés inclus.es sous la définition de préjudice corporel.
Une victime peut donc uniquement poursuivre en responsabilité civile pour un préjudice matériel, puisque, en vertu de la loi, celui-ci est soumis aux règles du droit commun et non au régime prévu par la loi. La loi définit le préjudice matériel comme « tout dommage causé dans un accident à une automobile ou à un autre bien. » Il existe donc un recours pour les dommages causés à l’automobile ou à d’autres biens par la partie fautive.
Poursuite pour des préjudices ayant une cause autre que l’accident
Si tout préjudice corporel occasionné par un accident d’automobile relève de la compétence exclusive de la SAAQ, il est possible que vous ayez subi d’autres préjudices dans la foulée d’un accident d’automobile pour lesquels vous détenez un recours en responsabilité civile. En effet, la survenance d’un accident d’automobile n’entraîne pas automatiquement la conclusion que tous les préjudices y sont liés.
Tel qu’il découle de la décision de la Cour suprême dans Godbout c. Pagé portant sur les affaires Godbout et Gargantiel, le critère permettant de déterminer si un préjudice doit être considéré relever de la compétence exclusive de la SAAQ est celui de l’existence d’un lien plausible, logique et suffisamment étroit entre l’accident d’automobile, la faute qui s’en suit et le préjudice qui en résulte. Ainsi, si la faute survient en lien avec un accident et aggrave le préjudice corporel causé par l’accident lui-même, l’ensemble du préjudice devra être indemnisé par la SAAQ.
Dans l’affaire Gargantiel, le demandeur avait été victime d’un accident d’automobile. La Sûreté du Québec avait mis plus de 40 heures à le localiser et le secourir. M. Gargantiel avait souffert d’hypothermie grave et avait dû être amputé en raison des engelures. Celui-ci souhaitait poursuivre en responsabilité civile pour le préjudice résultant de la négligence de la Sûreté du Québec. La Cour suprême a toutefois conclu que le préjudice additionnel possédait un lien causal avec l’accident et qu’il relevait donc de la compétence exclusive de la SAAQ.
Toutefois, si l’accident ne constitue qu’une trame de fond et qu’il existe des dommages qui ne sont pas liés au préjudice corporel causé par l’accident, ceux-ci peuvent faire l’objet d’un recours en responsabilité civile. Dans l’affaire Société de l’assurance automobile du Québec c. Ville de Montréal, le demandeur souhaitait poursuivre un policier avec qui il avait eu une altercation, ainsi que son employeuse, la Ville de Montréal. Le policier avait foncé dans l’automobile du demandeur avec la sienne et avait déposé de fausses accusations contre lui. Le demandeur poursuivait pour les préjudices causés par l’agression et ceux découlant de fausses accusations.
La Cour d’appel a conclu que la demande ne pouvait être déclarée irrecevable, puisque les honoraires engagés pour la défense contre les accusations portées contre le demandeur et pour gérer la plainte déontologique, ainsi que les dommages-intérêts réclamés en lien avec la violation de droits découlant de l’arrestation et de la détention n’étaient pas liés au préjudice corporel causé par l’accident.
Ainsi, la possibilité d’entamer un recours en responsabilité civile en cas d’accident d’automobile dépend de la nature du préjudice subi et de son lien de causalité avec l’accident. Il faut également rappeler que, pour tout recours en responsabilité civile, il est nécessaire d’être en mesure de prouver l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.
Si vous n’êtes pas certains de détenir un recours en responsabilité civile en lien avec un accident d’automobile ou que vous souhaitez être représenté.e pour vos démarches au civil ou auprès de la SAAQ, n’hésitez pas à nous contacter.




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