Notre système de justice est l’un des piliers de notre société. C’est pourquoi entraver la justice constitue une infraction criminelle. Concrètement, l’entrave à la justice consiste à volontairement tenter « d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice ». C’est donc de gêner, faire obstacle à la bonne administration de la justice et ce, intentionnellement.
À titre d’exemples, le refus de prêter serment lorsqu’un individu est appelé à témoigner, la mise en preuve de documents que l’on sait falsifiés ou encore la tentative d’influence sur un juré sont des entraves à la justice.
Éléments constitutifs de l’infraction
La poursuite devra prouver hors de tout doute raisonnable les éléments constitutifs de l’infraction, soit l’actus reus(élément matériel) et la mens rea (l’élément moral).
Actus reus
L’actus reus de l’infraction est la conduite qui a tendance à entraver le cours de la justice. Il variera selon si l’entrave survient dans le cours des procédures judiciaires ou non.
Cas où l’entrave à la justice survient dans le cours des procédures judiciaires
Il pourrait s’agir, à l’aide de menaces, de pots-au-vin ou de tout autre moyen de corruption:
- de dissuader ou tenter de dissuader une personne de témoigner;
- d’influencer ou tente d’influencer une personne dans sa conduite comme juré;
- trouver un moyen de s’abstenir de témoigner ou pour faire ou s’abstenir de faire quelque chose à titre de juré;
Notons que celui qui commet ces trois actes sera présumé avoir tenté d’entraver la justice. Il pourra repousser cette présomption en prouvant, par exemple, qu’il tentait de dissuader un témoin de rendre un témoignage qu’il savait faux.
Constitue également l’actus reus d’entrave à la justice le fait d’indemniser une caution ou, en tant que caution, d’accepter d’être indemnisé. La caution est une personne qui promet au tribunal d’assurer la supervision d’une personne accusée pendant que cette dernière est en liberté provisoire, et s’engage à payer au tribunal une somme d’argent si la personne accusée ne respecte pas ses conditions de liberté. Dans ce cas, il ne sera pas possible de repousser la présomption d’entrave à la justice.
Cas où l’entrave à la justice ne survient pas dans le cours des procédures judiciaires
À ce moment, l’entrave est possible par n’importe quel acte qui vise à volontairement entraver, détourner ou contrecarrer le cours de la justice. Ce serait le cas, par exemple, du policier qui rédige volontairement un faux rapport pour manipuler les conclusions du commissaire à la déontologie policière.
Dans R. c. A.P., le demi-frère de l’accusé était accusé d’attouchements sexuels sur la plaignante qui se seraient passés quelques années auparavant, alors qu’elle était âgée de neuf ans. L’accusé l’avait emmenée chez un membre de sa famille dans son pays d’origine, où elle était demeurée quatre ans avant de pouvoir rentrer au pays. La Cour a conclu qu’il avait volontairement caché l’enfant et tenté de l’empêcher d’agir comme témoin dans le cadre de l’enquête criminelle en la rendant indisponible, ce qui constituait une entrave à la justice.
Mens rea
La mens rea est l’intention spécifique d’adopter une conduite qui entrave le cours de la
justice. Cette intention se rapporte ainsi aux conséquences de ses actes: le contrevenant devait chercher un bénéfice d’entraver la justice, ou avoir et un motif l’ayant poussé à le faire. Une erreur de bonne foi ou de jugement ne suffit pas pour qu’on puisse parler d’entrave. Il est important de noter qu’il n’est pas nécessaire que la commission de l’acte réussisse, la présence de l’intention spécifique suffit.
Dans R. c. Cecere, l’accusé, un fonctionnaire public avait emporté à son domicile des documents relatifs à une enquête visant le crime organisé hors de son lieu de travail protégé, alors que ce lui était interdit. Il aurait divulgué volontairement un document à un ami de son fils, mais n’aurait pas divulgué de documents relatifs à l’enquête en cours. La Cour a conclu que l’accusé était coupable d’abus de confiance et d’avoir divulgué volontairement une communication privée, mais qu’il ne pouvait pas être reconnu coupable d’entrave à la justice car il ne possédait pas la mens rea. En effet, elle a reconnu un manque de loyauté, mais n’a pas été convaincue hors de tout doute raisonnable de son intention spécifique d’entraver la justice, puisqu’il n’était pas passé à l’acte et n’avait pas divulgué ces documents spécifiques à l’enquête.
Peines
La peine dépendra de l’entrave à la justice qui est commise. Dans le cas où, au cours des procédures judiciaires, on tente d’indemniser une caution ou, en tant que caution, d’accepter d’être indemnisé, la peine maximale sera un emprisonnement de 2 ans. Dans tous les autres cas, la peine d’emprisonnement maximale sera de 10 ans.
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