L’agression sexuelle est un sujet délicat qui peut susciter plusieurs questionnements étant l’un des crimes les moins dénoncés. Nous démystifierons les différents recours qui s’offrent aux victimes et à leurs proches.
Recours criminel
L’agression sexuelle constitue un crime au sens du Code criminel. Ainsi, une victime d’agression sexuelle peut porter plainte en tout temps aux autorités compétentes. C’est toutefois le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) (ou la « Couronne ») qui décide si des accusations criminelles sont ultimement déposées, le tout à la lumière de la preuve disponible suivant enquête. Le cas échéant, ce sera d’ailleurs la Couronne qui pilotera la poursuite, la victime n’agissant qu’à titre de témoin.
L’objectif de la Couronne est non seulement de punir l’agresseur pour les gestes commis, mais également de dissuader la répétition de gestes répréhensibles dans le futur ainsi que de protéger le public. En effet, le prononcé de la peine au criminel vise en grande partie à dénoncer le comportement délinquant dans notre société et à dissuader quiconque répéter celui-ci. Une personne reconnue coupable d’agression sexuelle au niveau criminel peut notamment recevoir une peine d’emprisonnement.

Fardeau de preuve
Or, ce genre de réprimande nécessite un fardeau de preuve très élevé. En effet, afin de reconnaitre une personne coupable d’une infraction criminelle, il est nécessaire de monter une preuve « hors de tout doute raisonnable » de sa culpabilité. La nécessité de rencontrer un tel fardeau tire sa source de la présomption d’innocence qui est d’une importance capitale dans notre système juridique afin d’assurer qu’une personne ne soit pas condamnée injustement.
En outre, un verdict de non-culpabilité ne signifie pas que les événements ne se sont pas produits ou que le juge ne croit pas la victime. C’est simplement qu’un doute raisonnable subsiste et oblige le juge à acquitter l’accusé. Il est important de préciser que ce doute raisonnable est un concept propre au domaine juridique et n’a pas le sens commun que l’on utilise tous les jours. Il n’exige notamment pas la certitude absolue.
Or, il est toujours possible pour la victime d’opter pour la voie civile qui n’exige qu’une preuve par prépondérance.
Recours civil
En plus de dénoncer l’agresseur au criminel, il est possible d’entamer contre lui des poursuites par la voie civile. Puisque l’objectif visé par les deux régimes n’est pas le même, il est possible de cumuler ces deux recours, et ce, peu importe la décision rendue par le juge au criminel, le cas échéant. Il s’agit de deux recours indépendants et distincts.
En effet, même si les gestes reprochés ne mènent pas à une condamnation criminelle, il est possible de réclamer à l’accusé une compensation pour les dommages moraux, psychologiques et physiques subis. Par exemple, la Cour a déjà reconnu le droit à une victime d’obtenir une compensation monétaire pour quatre épisodes d’abus sexuel répartis sur une période de huit ans, et ce, sans qu’il y ait eu condamnation au criminel.
Cependant, puisque le fardeau de preuve est beaucoup plus élevé lors d’un procès criminel, une décision de culpabilité pourrait positivement influencer le procès civil, sans nécessairement lier le juge. Par exemple, dans l’affaire X c. Desjardins, le juge a pris en considération que le défendeur avait été condamné à 18 mois de prison dans l’octroi de la compensation à la victime.
L’objectif de compensation
L’objectif visé par le recours civil est la compensation c’est-à-dire l’obtention d’une somme à titre de réparation pour les préjudices subis. Contrairement au recours criminel, la victime fait d’ailleurs partie du litige et participe activement à titre de demanderesse et non pas qu’à titre de témoin.
De surcroit, il est plus facile de prouver la culpabilité de l’agresseur lors d’un procès civil, puisque la preuve par prépondérance est beaucoup moins lourde que celle hors de tout doute raisonnable. En effet, il ne faut que convaincre le juge qu’il y a plus de 50% de probabilité que le défendeur est responsable du préjudice allégué.
Par exemple, le Tribunal a accordé à une victime d’agression sexuelle de la part de son oncle une compensation, et ce, malgré une mémoire défaillante, quelques contradictions lors de son témoignage et le refus du défendeur d’admettre les faits. Dans cette affaire, la victime n’arrivait plus à dormir, vivait de l’anxiété et faisait peu confiance aux gens qui l’entouraient suivant les événements en litige. Son oncle l’a faisait sentir comme une personne qui ne mérite pas d’être crue et la menaçait d’accuser son père si elle dénonçait les actes commis. Ceci a nui à sa santé mentale, son estime personnelle et ses relations interpersonnelles, particulièrement avec des personnes en situation d’autorité. L’ensemble des troubles mentionnés ont donné droit à la victime d’obtenir une compensation en dommages moraux et exemplaires.
Le juge rappelle que les victimes d’agression sexuelle subissent non seulement un préjudice corporel, mais également un préjudice émotionnel et psychologique.
Dans une autre décision, la Cour a accordé une compensation à une victime d’agression sexuelle qui s’était automutilée et qui était astreinte à prendre une lourde médication afin de contrôler son anxiété, sa dépression, ses problèmes de concentration et d’insomnie.
Dans les cas d’abus d’autorité et de confiance, les sentiments de honte et de culpabilité sont généralement retenus ainsi que toutes les séquelles psychologiques qui en résultent. Le développement de dépendance, d’anxiété, de méfiance ou de difficulté à effectuer certaines tâches quotidiennes sont également des facteurs pris en compte par le juge dans sa décision.
Dans les cas plus complexes, la production d’une expertise médicale est d’ailleurs souvent indispensable pour permettre au juge d’évaluer pleinement les séquelles conservées par la victime et pour assurer une compensation à la pleine hauteur du préjudice subi.
Par ailleurs, il est également possible de réclamer une compensation pour toutes pertes salariales causées par une absence au travail liée à l’agression sexuelle ainsi que, le cas échéant, le remboursement de frais de thérapie, de médicaments, etc.
Il est également à noter qu’une victime d’agression sexuelle peut, en plus des recours au civil et au criminel, remplir une demande d’indemnité auprès de l’IVAC.
Prescription
L’article 2926.1 du Code civil du Québec indique que tout préjudice résultant de violence sexuelle est imprescriptible. En effet, le seul écoulement du temps ne peut pas mettre fin à la possibilité d’entamer des procédures civiles contre un agresseur. Une victime peut intenter une action civile en réparation du préjudice découlant d’une agression sexuelle à tout moment, même plusieurs années suivant la survenance des événements.
Si vous avez été victime d’une agression sexuelle, n’hésitez pas à nous contacter afin d’obtenir plus de conseils adaptés à votre situation.


