Peut-on légalement condamner quelqu’un qui n’était pas sain d’esprit lorsqu’il a commis un crime?
Responsabilité criminelle
L’article 16 du Code criminel, prévoit ce qui suit :
16. (1) La responsabilité criminelle d’une personne n’est pas engagée à l’égard d’un acte ou d’une omission de sa part survenu alors qu’elle était atteinte de troubles mentaux qui la rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais.
(2) Chacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle sous le régime du paragraphe (1); cette présomption peut toutefois être renversée, la preuve des troubles mentaux se faisant par prépondérance des probabilités.
(3) La partie qui entend démontrer que l’accusé était affecté de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle a la charge de le prouver.
En effet, le tribunal considérera deux facteurs lorsqu’il décidera si une personne souffrait d’une maladie mentale si saisissante qu’elle pourrait potentiellement recevoir un verdict de non-responsabilité criminelle:
- l’incapacité de juger de la nature et de la qualité de l’acte criminel (c’est-à-dire l’impossibilité de comprendre les conséquences de l’acte);
- et l’incapacité de savoir que l’acte criminel est mauvais (c’est-à-dire l’impossibilité de différencier le bien du mal).
Donc, une personne peut être considérée comme ayant un trouble mental si elle ne peut distinguer le bien du mal ni réaliser les conséquences du crime qu’elle a commis.
Non-responsabilité criminelle
Dans l’arrêt Turcotte, un cardiologue et père de famille a poignardé à mort ses deux enfants de 3 et 5 ans dans la nuit du 20 février 2009, au Québec. Dans les semaines précédant les meurtres, Turcotte s’est disputé à multiples reprises avec son ex-femme et son nouvel amant. Le soir des meurtres, Turcotte avait des pensées suicidaires et buvait du lave-glace.
D’après des psychiatres, Turcotte souffrait d’un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive au moment du crime. Turcotte présentait plusieurs symptômes de troubles mentaux, dont : une charge émotionnelle importante vécue dans les semaines précédant le drame, l’installation d’un tableau dépressif évolutif, l’impulsion suicidaire aiguë, le passage à l’acte (l’intoxication)et le dénouement fatal des gestes suicidaires (les homicides). Suite au procès, le jury prononce un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.
Dans ce jugement, la Cour d’appel confirme trois facteurs susceptibles d’aider le juge dans le cadre d’une méthode globale d’analyse afin de déterminer si la preuve soumise fait sortir l’état allégué de la catégorie de la maladie mentale :
- Le facteur de la cause interne: la cause ou l’élément déclencheur de la condition mentale de l’accusé est-il interne ou externe? Plus une personne non atteinte d’une maladie mentale est susceptible de développer une telle condition lorsqu’elle est placée dans la situation de l’accusé, plus les tribunaux considéreront que le trouble allégué est d’origine externe et non interne ou personnelle à l’accusé. En d’autres termes, les tribunaux considèrent que si une personne raisonnable ou « normale » placée dans la situation de l’accusé ne réagirait pas comme celui-ci, le comportement de l’accusé découlerait probablement d’un facteur interne, soit l’existence d’un trouble mental.
- Le facteur du risque subsistant: ce facteur découle de la nécessité d’assurer la sécurité publique en évaluant le risque de récurrence d’un événement de même nature. Plus grand est le risque et plus la récidive est susceptible de survenir indépendamment de la volonté de l’accusé, plus sa condition mentale peut être assimilée à des troubles mentaux.
- Les préoccupations d’ordre public: la condition mentale de l’accusé nécessite-t-elle un traitement particulier et constitue-t-elle une menace pour autrui? Dans la négative, les tribunaux arriveront plus facilement à la conclusion que l’accusé ne souffrait pas de troubles mentaux au moment des événements.
Inaptitude à subir un procès
Il ne faut pas confondre les troubles mentaux à l’inaptitude à subir un procès. Une personne atteinte d’un trouble mental doit tout de même subir le procès, à moins que ses avocats puissent prouver qu’il n’est pas capable de :
- comprendre la nature ou l’objet des poursuites;
- comprendre les conséquences éventuelles des poursuites;
- et c) communiquer avec son avocat.


