La reprise de logement met en opposition le droit de propriété du locateur et le droit au maintien dans les lieux du locataire. Ainsi, afin de maintenir un équilibre entre ces deux droits primordiaux, le législateur met des conditions très strictes à un locateur qui désire faire une reprise.
Définition de la reprise de logement
La reprise de logement est l’action du locateur d’expulser un locataire de son logement pour y emménager ou pour y installer certaines autres personnes précises, dont l’identité est prévue par la loi.

Critères de la reprise de logement
En vertu du Code civil du Québec, un locateur ne peut reprendre un logement que s’il en est le propriétaire. En effet, bien que le locateur et le propriétaire d’un logement soient souvent une seule et même personne, il existe des cas où ce n’est pas le propriétaire, mais une autre personne, qui est partie au contrat de bail avec le locataire. On retrouve souvent cette distinction dans les immeubles dont la gestion est donnée à une compagnie spécialisée qui n’est pas propriétaire. Dans ces cas, la compagnie de gestion est donc le locateur sans être le propriétaire du logement.
Dans cette capsule informative, le mot « locateur » désigne un locateur qui est aussi le propriétaire du logement qu’il loue.
La loi prévoit que la reprise d’un logement ne peut être faite que pour y loger une des personnes suivantes, appelées bénéficiaires:
- Le locateur lui-même;
- Un de ses ascendants (par exemple, son père) ou descendants (par exemple, son fils) au premier degré;
- Tout autre membre de sa famille (par exemple, sa soeur) ou alliés (parents de son époux ou de son conjoint avec lequel il s’est uni civilement) dont il est le principal soutien;
- Son conjoint dont il demeure le principal soutien après une séparation de corps, un divorce ou une dissolution de l’union civile.
Le Code civil exige que l’avis informant le locataire de la reprise lui soit envoyé dans un délai précis:
| Durée du bail | Délais de l’avis |
| Le bail est de plus de 6 mois | Au moins 6 mois avant la fin du bail |
| Le bail est de 6 mois ou moins | Au moins 1 mois avant la fin du bail |
| Le bail est à durée indéterminée | Au moins 6 mois avant la date de reprise |
Le Tribunal administratif du logement a créé un modèle d’avis de reprise que le locateur peut remplir et envoyer à son locataire. Ce modèle contient toutes les informations exigées par la loi. Il est important de noter que l’avis de reprise doit toujours être sous forme écrite. Un avis verbal ne peut pas fonder le droit de reprise.
Il est à noter que le locateur a le droit de reprendre le logement dont le loyer est le moins élevé. En effet, tant qu’il respecte les critères pour procéder à la reprise, il est libre d’agir de manière à rentabiliser le plus possible ses activités locatives.
Contenu de l’avis de reprise
Cet avis doit contenir la date prévue de la reprise, le nom du bénéficiaire de la reprise et la nature du lien entre le locateur et le bénéficiaire. La jurisprudence précise que seule une seule personne peut être désignée bénéficiaire et cette dernière doit être clairement identifiée.
Il est important de savoir que la plupart du temps, la jurisprudence ne considère pas qu’un avis de reprise soit invalide du fait qu’il contient une anomalie, telle que l’absence de la mention de la protection des locataires âgés. L’avis sera seulement invalidé s’il est prouvé que l’anomalie a causé un préjudice sérieux au locataire entre autres parce qu’il aurait pu bénéficier de cette information par exemple.
Réponse du locataire à l’avis de reprise
Le locataire a un mois à partir de la date de la réception de l’avis pour aviser le locateur de son acceptation ou de son refus de la reprise. Si à la fin de ce délai, le locataire n’a produit aucune réponse, on présume que le locataire a refusé la reprise.
Le locataire peut demander au tribunal d’ordonner à ce que la reprise soit faite à une date postérieure à celle prévue dans l’avis, et ce, en vertu du Code civil.
Ce que le locateur peut faire suite au refus du locataire
Que le refus soit clairement exprimé ou résulte de l’absence de réponse du locataire, le locateur doit obtenir l’autorisation du tribunal pour procéder à la reprise. Cette demande doit être faite dans le mois suivant le refus du locataire. Le locateur doit démontrer qu’il entend réellement reprendre le logement pour la raison mentionnée dans l’avis et que la reprise n’est pas un prétexte servant à atteindre d’autres buts, par exemple pour se débarrasser d’un locataire.
Le tribunal s’assure aussi que le projet du locateur d’occuper lui-même le logement repris ou d’y installer quelqu’un d’autre possède un caractère permanent. La jurisprudence a déterminé que si la raison de la reprise est de faciliter la vente d’une maison, notamment parce que la présence d’un locataire est désavantageux pour un nouvel acquéreur et ne rend pas la maison attrayante, et que donc par conséquent la reprise n’a qu’une portée temporaire, le Tribunal se doit de la rejeter.
Toutefois, le caractère permanent de la reprise n’exige pas l’occupation du logement en continu. En effet, il est tout à fait possible que l’occupation soit intermittente, par exemple d’une durée de quelques jours par semaine seulement.
Le projet du locateur doit également être concret, réalisable et avoir un haut degré de certitude. Ainsi, le Tribunal a déjà rejeté une demande de reprise au bénéfice du père de la locatrice, parce que ce dernier habitait à ce moment-là à l’étranger et rien dans la preuve n’indiquait qu’il obtiendrait le visa lui permettant d’immigrer au Québec. Le projet de la locatrice était ainsi trop incertain.
Indemnité octroyée au locataire en raison de la reprise
Lorsque le tribunal autorise la reprise, il peut imposer des conditions qu’il estime justes et raisonnables, y compris le paiement d’une indemnité équivalente aux frais de déménagement du locataire. Cependant, il faut que le locataire demande cette indemnité au moment où le tribunal accorde l’autorisation de procéder à la reprise. Sinon, le locataire ne pourra pas en recevoir une.
Les frais de déménagement comprennent également d’autres frais comme les frais de branchement.
En principe, le locataire n’a pas droit à une indemnité autre que celle concernant les frais de déménagement. La Cour a déjà statué que le locataire n’a pas droit à une indemnité additionnelle parce que la reprise de logement est simplement l’expression du droit du locateur de reprendre possession de ses biens. Cependant, il arrive que le tribunal augmente le montant de l’indemnité selon l’âge du locataire ou sa condition physique, par exemple.
Obligation du locateur de se conformer à l’avis ou aux conditions du tribunal
En plus de devoir indemniser le locataire, le locateur doit également respecter les conditions de l’avis de reprise ou du tribunal.
La loi prévoit que le logement qui fait l’objet d’une reprise ne peut pas être utilisé pour une fin autre que celle pour laquelle le droit de reprise est exercé, sauf si le locateur obtient l’autorisation du tribunal. Lorsque le tribunal autorise le locateur à relouer le logement au lieu de procéder à la reprise, il doit fixer le loyer afin d’éviter tout abus de la part du locateur. Le tribunal peut de plus obliger le locateur d’offrir le logement en priorité à l’ancien locataire.
Raisons pour lesquelles une reprise serait illégale
Tout d’abord, une reprise est illégale si le locateur l’a fait de mauvaise foi, c’est-à-dire avec de mauvaises intentions. Par exemple, un locateur qui reprend son logement afin de se débarrasser d’un locataire qui connaît ses droits et qui n’hésite pas à les défendre agit de mauvaise foi, ou encore afin d’augmenter le prix du loyer de manière excessive. Cependant, le simple fait de ne pas avoir demandé l’autorisation du tribunal à louer le logement après la reprise ne constitue pas de la mauvaise foi.
Le locataire a 3 ans depuis qu’il a découvert que la reprise a été faite de mauvaise foi pour saisir le Tribunal administratif du logement. Il peut demander à ce que le locateur paie des dommages-intérêts moraux, mais aussi des dommages-intérêts punitifs. Ces derniers ne sont pas une somme d’argent permettant de compenser un préjudice subi par le locataire, mais sont un montant imposé au locateur qui a mal agi afin de dissuader toute autre personne de suivre son exemple.
Une reprise est aussi illégale si elle est faite par le propriétaire d’une part indivise d’un immeuble, sauf s’il n’y a qu’un seul autre copropriétaire et que ce dernier est son conjoint.
Elle est également illégale si le locataire ou son conjoint est, au moment de la reprise, âgé de 70 ans ou plus, occupe le logement depuis 10 ans et a un revenu égal ou inférieur au revenu maximal lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique. Cependant, cette reprise est possible malgré la réunion des conditions précédentes si l’on est en présence de l’une des trois situations suivantes:
- Le locateur est lui-même âgé de 70 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s’y loger;
- Le bénéficiaire de la reprise est âgé de 70 ans ou plus;
- Le locateur a 70 ans ou plus, vit dans le même immeuble que le locataire dont il veut reprendre le logement et veut le reprendre dans le but d’y loger un bénéficiaire de moins de 70 ans.
Cette dernière exception permet à un locateur âgé de bénéficier de la présence d’une personne plus jeune à proximité pour l’aider dans ses tâches domestiques.
De plus, le locateur ne peut pas reprendre un logement, sauf si le locataire y consent, s’il est propriétaire d’un autre logement vacant ou offert en location à la date prévue pour la reprise et qui est du même genre que celui occupé par le locataire, d’un loyer équivalent et situé dans les environs.
Le locateur ne peut également pas procéder à la reprise d’un logement s’il est une entreprise ou une personne morale. Ainsi, une détenteur d’actions d’une société qui loue des logements ne peut pas se prévaloir du droit à la reprise.
Étant donné les diverses conditions qui existent dans la loi en matière de reprise de logement, il est vivement conseillé de contacter un avocat lorsque vous recevez un avis de reprise, si vous êtes locataire, ou si vous envisagez d’intenter une telle procédure si vous êtes locateur. Nous vous aidons pour le :Droit des propriétaires, Décès du locataire, Éviction, Non-paiement de loyer et retards fréquents, Reprise de logement, Résiliation, sous-location et cession de bail


