En 1972, le Parlement québécois adopte une loi permettant aux victimes d’actes criminels de recevoir une indemnisation de l’État pour le préjudice qui peut en découler.
Quels sont les éléments pris en considération lorsqu’une demande est acheminée à l’IVAC, lorsque victime d’actes criminels est sans emploi au moment de l’acte illicite?
Le statut professionnel de la victime
Tout d’abord, il est nécessaire d’établir le statut professionnel de la victime de l’acte criminel en l’espèce. Ainsi, chaque victime est d’abord qualifiée comme étant soit « avec », soit « sans » emploi.
Parmi ces personnes sans emploi, on pense notamment aux « personnes actives, sans emploi » (c.-à-d. les personnes au chômage, les étudiants à temps plein, etc.) ainsi qu’aux « personnes hors du marché du travail » (c.-à-d. les conjoints au foyer, les personnes à la retraite, etc.). Il s’agit donc à cette étape d’une simple question de fait. En effet, on ne cherche qu’à savoir le statut de la victime de l’acte criminel au jour de l’événement.
Par ailleurs, dans les cas où l’IVAC attribue à la victime un statut de sans emploi de manière erronée, il revient à celle-ci de contester la décision ainsi que de prouver son statut. Pour ce faire, il est possible de présenter tout document qui puisse prouver le statut de la victime au jour de l’accident, par exemple, un relevé de paie qui couvre la période incluant le jour de l’accident.
Les conséquences de la classification de sans emploi
La qualification de sans emploi n’est pas sans conséquence sur le dossier de la victime. Ainsi, sans aller jusqu’à priver la victime d’acte criminel de toute indemnisation, cette qualification modifie toutefois, d’une part, la méthode d’évaluation du salaire de la victime, et d’autre part, les conditions d’octroi de l’indemnisation. Ces deux facteurs sont d’ailleurs à l’origine de bien des procédures de contestation de décisions dans les dossiers d’IVAC.
L’évaluation du salaire de la victime
D’emblée, les tribunaux énoncent que si une victime a droit au versement d’une indemnité, le montant de cette dernière est calculé en fonction de son statut au jour de l’événement. Donc, l’évaluation de la base salariale de la victime, plus tard utilisée pour établir l’indemnité à laquelle a droit la victime, diffère selon si la victime est avec ou sans emploi.
D’une part, dans le cas de la victime avec emploi, l’évaluation est plutôt simple. En effet, il ne s’agit que de considérer les gains réels de la victime au cours des mois précédents son accident. Ainsi, pour une victime au travail, l’indemnité correspond généralement à 90 % du revenu net tiré de son contrat de travail, à condition toutefois de prouver une incapacité résultant de l’acte criminel en question.
Toutefois, on comprend que la situation se complique légèrement lorsque la victime est sans emploi au moment de l’accident, dans la mesure où il est alors impossible d’évaluer son salaire en fonction de ses gains réels. Ainsi, le salaire de la victime sans emploi est généralement fixé au salaire minimum en vigueur à la date de son accident. Bref, pour une victime sans emploi, l’indemnité correspond plutôt à 90 % du revenu net provenant du salaire minimum en vigueur au moment de l’événement.
Néanmoins, la loi prévoit également des méthodes d’évaluation alternatives. En effet, même si la majorité des décisions appliquent la politique de l’IVAC et fixent le salaire minimum comme base salariale pour une personne sans emploi au moment des faits, la Loi permet de considérer d’autres options.
Ainsi, il convient de sélectionner la méthode qui colle le plus à la réalité de la victime au moment de l’accident. Par exemple, il est possible d’établir la base salariale de la personne sans emploi en fonction de la période de 12 mois précédent l’accident, dans la mesure où la victime occupait un emploi pendant une partie de cette période.
À titre d’exemple, une victime d’acte criminel a récemment contesté une décision relativement à son dossier, où elle était qualifiée de personne sans emploi, avec une base salariale correspondant au salaire minimum. Cette procédure lui a toutefois permis d’établir sa base salariale à 20$ par heure, suite à la preuve de son travail non déclaré durant les 12 mois précédant son accident. Le tribunal estime d’ailleurs que cette base salariale serait plus juste et plus équitable pour le requérant puisqu’elle est basée sur sa situation réelle. Par conséquent, on comprend que la commission responsable d’établir la base salariale de la personne sans emploi peut employer toute méthode appropriée selon les circonstances, afin d’établir la base qui correspond le mieux possible à la situation réelle de la victime.
Par ailleurs, il importe ici de souligner que la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels est une loi remédiatrice à caractère social ayant comme objectif d’indemniser les victimes innocentes d’actes criminels. Par conséquent, elle mérite une interprétation large et généreuse, et ce, en faveur de la victime. Ce même facteur milite d’ailleurs également en faveur de l’usage du pouvoir discrétionnaire du juge, qui peut venir corriger les cas où l’IVAC utilise une méthode d’évaluation qui ne colle pas tout à fait à la réalité de la victime.
Les conditions d’octroi d’une indemnisation
Les tribunaux n’hésitent pas à souligner que pour avoir droit au versement d’une indemnité, encore faut-il en faire la démonstration. Ainsi, la victime n’a, pour ce faire, qu’à établir la preuve d’une incapacité en lien avec l’accident déclaré.
Donc, la seule condition préalable à l’octroi d’une indemnisation pour la personne sans emploi est celle de savoir si la victime est inapte à accomplir la majorité ses activités de la vie quotidienne (AVQ) et ses activités de la vie domestique (AVD), et ce, en raison de l’acte criminel.
On pense, par exemple, à des activités telles que s’occuper de son hygiène personnelle, faire le ménage et assurer l’entretien de sa propriété, se faire à manger, faire les courses, etc. Par ailleurs, une preuve d’expert peut prouver être nécessaire à ce stade. Bref, la victime sans emploi n’a droit à une indemnisation qu’à condition de prouver être inapte à exécuter la majorité de ses AVQ et AVD en raison d’une conséquence physique ou psychologique de son accident.
Alternativement, la capacité à poursuivre ses études est plutôt prise en compte lorsque la victime sans emploi est aux études au moment de l’accident. Ainsi, il appartient alors à la victime de démontrer qu’elle a manqué des cours ou n’a pu s’inscrire à une autre session en raison de son état, lequel doit être lié à l’événement criminel.
Enfin, pour la personne avec emploi, il faut plutôt déterminer si elle est inapte à retourner à son travail en raison des séquelles de l’acte criminel dont elle est victime. Ainsi, n’est pas éligible à une indemnisation la victime d’acte criminel qui ne peut pas retourner travailler à cause de séquelles causées plutôt par un événement lointain ou rapproché de l’accident rapporté.
Bref, il revient au requérant de prouver qu’il n’est pas en mesure de retourner à son emploi en raison des retombées physiques ou psychologiques de l’acte criminel dont il est victime. Pour ce faire, une preuve d’expert en orthopédie, en neurologie, en psychiatrie ou en tout autre domaine pertinent peut, encore une fois, s’avérer déterminante.
Ainsi, une évaluation médicale qui révèle que la victime devrait s’abstenir de soulever des charges de plus de 2 kg milite manifestement en faveur de son inaptitude à exercer son poste d’aide-infirmière à domicile qui consiste notamment à transférer des personnes en perte d’autonomie de leur chaise à leur lit. Similairement, la victime diagnostiquée avec des troubles psychologiques découlant de son accident, tels qu’un état de stress post-traumatique, peut également être déclarée inapte à regagner son travail.
Bref, les tribunaux le confirment : la Loi ne précise aucun autre critère que celui de la présence d’une incapacité pour qu’une personne puisse avoir droit à une indemnisation. Ainsi, l’absence de prescription d’arrêt d’études en relation avec le diagnostic de la blessure liée à l’événement criminel, par exemple, ne peut pas être opposée à la victime qui effectue une demande d’indemnisation auprès de l’IVAC.
Pour conclure, on comprend que la qualification de sans emploi à son dossier à l’IVAC est loin de correspondre à une peine de mort. En effet, la victime d’acte criminel sans emploi a droit, comme toute autre personne, à une indemnisation pour le préjudice qu’elle subit. Toutefois, la méthode d’évaluation du salaire de la victime ainsi que les conditions d’octroi de l’indemnisation diffèrent quelque peu en fonction de la qualification retenue. Par conséquent, il est important de préparer la preuve appropriée en vue de contester une décision de l’IVAC avec succès.
N’hésitez d’ailleurs pas à nous contacter si vous avez besoin d’aide pour monter votre contestation.


