Être porteur d’une ITSS comporte indubitablement son lot de conséquences, tant financières que psychologiques. Un recours judiciaire visant à pallier ces conséquences existe-t-il toutefois pour ceux et celles ayant malicieusement été infecté.e.s par autrui ?
Dans la présente capsule, nous passons en revue les principes applicables à une poursuite civile pour transmission d’une ITSS, notamment l’herpès génital, au Québec.
La nature du recours

Au Québec, toute poursuite civile pour transmission d’une ITSS tire sa source de la responsabilité civile. Par conséquent, la preuve prépondérante de trois éléments est nécessaire au succès dudit recours, soit la faute, le préjudice et, à moins forte raison, le lien de causalité.
La faute
D’emblée, les tribunaux s’expriment comme suit en matière de transmission d’une ITSS :
« Une personne qui transmet le virus de l’herpès génital [ou toute autre ITSS] n’est pas automatiquement responsable des dommages causés par la maladie à l’autre. L’on peut imaginer le cas d’une personne qui ignore être porteuse du virus étant donné qu’elle n’a jamais montré le moindre symptôme de l’herpès génital et n’a jamais reçu de diagnostic à cet effet. Elle ne commettrait pas de faute en ne divulguant pas un fait dont elle ignore totalement l’existence à savoir qu’elle est porteuse du virus. En cas de transmission du virus, cette personne aurait causé, sans le savoir, à son ou à sa partenaire des dommages dont, en l’absence de faute, elle ne pourrait être tenue responsable. »
Toutefois, il est bien établi en droit québécois qu’omettre de divulguer à un partenaire sexuel des informations connues et susceptibles d’influer sur son consentement éclairé à des relations sexuelles constitue une faute. En contexte de transmission d’une ITSS plus spécifiquement, ceci se traduit en un devoir pour ceux porteurs d’une ITSS et ceux éprouvant des symptômes d’une ITSS d’en informer spontanément leurs partenaires sexuels. Il ne revient donc pas uniquement à la victime potentielle de prendre l’initiative de s’enquérir de la santé de son partenaire sexuel, mais bien à celui qui se sait ou qui devrait se savoir porteur d’une ITSS de divulguer son état de son propre chef.
Cette divulgation doit par ailleurs être faite préalablement à un contact sexuel, et ce, peu importe la nature dudit contact sexuel (avec ou sans pénétration), de manière à offrir à son partenaire sexuel la possibilité d’analyser la situation, de s’informer au sujet de l’ITSS et de prendre la décision la plus éclairée possible avant de consentir à un contact sexuel. Il convient enfin de souligner qu’un tel devoir d’information s’impose même aux porteurs asymptomatiques, car ceux-ci peuvent tout de même infecter leurs partenaires.
Tout manquement à ce devoir d’information constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité civile du responsable, et d’ailleurs la transmission du virus, en soi, n’est pas nécessaire pour établir la faute. Or, encore faut-il démontrer, en tant que victime, que vous avez subi un préjudice découlant de cette faute.
Le préjudice
En droit québécois, les dommages-intérêts ont pour objectif de dédommager la victime pour les conséquences directes et immédiates de la faute d’autrui, en d’autres termes, son préjudice. Plusieurs préjudices sont susceptibles d’être subis en conséquence de la transmission d’une ITSS, et ce, dépendamment des faits propres à chaque dossier. Néanmoins, plusieurs chefs de réclamations se répètent souvent d’un cas à l’autre. Voici donc, à titre d’illustration, une liste non exhaustive des réclamations qui ont déjà été faites par le passé :
- Préjudice non pécuniaire (chiffrable; selon preuve fournie) :
- Frais de médicaments (passés et futurs);
- Frais d’expertise;
- Frais de déplacement;
- Frais de thérapie (passés et futurs);
- Préjudice non pécuniaire (non chiffrable; à la discrétion du juge) :
- Préjudice moral et psychologique;
- Préjudice sexuel;
- Anxiété;
- Perte d’estime de soi;
- Atteinte à la dignité et à l’intégrité de sa personne;
- Souffrance physique.
Pour l’ensemble de ces réclamations, les montants accordés par les tribunaux dans les dernières années varient grossièrement entre 10 000 $ et 30 000 $, en fonction de la preuve apportée par la victime, le tout sous réserve d’un éventuel partage de responsabilité. Toutefois, ceux-ci ne dépassent que très rarement 15 000 $. Pour cette raison, il peut être préférable d’intenter un recours par vous-même à la Division des petites créances de la Cour du Québec. Néanmoins, le point de vue d’un avocat sera toujours bénéfique à vos démarches, peu importe la nature du dossier.
Pour plus d’informations à ce sujet, nous vous invitons par ailleurs à lire notre article sur les petites créances.
Les dommages punitifs
Des dommages punitifs peuvent également être octroyés en cas d’une atteinte intentionnelle à un droit garanti par la Charte québécoise, dont le droit à l’intégrité. La preuve d’une atteinte intentionnelle est toutefois particulièrement difficile à établir. En effet, puisque les dommages punitifs ont pour objectif de punir un responsable et de dénoncer un certain comportement répréhensible, contrairement aux dommages-intérêts compensatoires habituels, une attention plus particulière doit être portée sur l’état d’esprit du responsable.
Partage de responsabilité
Bien qu’il revienne au porteur d’une ITSS de déclarer son statut à ses partenaires, il appert de la jurisprudence que ceux qui consentent à une relation sexuelle doivent, eux aussi, prendre les précautions qui s’imposent, au risque de subir un partage de responsabilité.
En effet, le droit québécois prévoit que « si la personne qui est contaminée a pris des risques, elle devra supporter une partie de la responsabilité à l’égard des dommages subis ». Un partage de responsabilité de 25 %, voire de 50 %, selon la gravité des risques pris par la victime, est donc susceptible de s’imposer à la partie qui omet de s’informer de l’état de santé de son partenaire préalablement à un contact sexuel, qui ne suggère pas l’utilisation du condom lors d’un contact sexuel avec un étranger ou qui omet de s’informer de la fiabilité d’un dépistage négatif invoqué par son partenaire, entre autres.
Toutefois, il a été déterminé à plusieurs reprises que le fait qu’une victime choisisse sciemment de ne pas mettre fin à une relation sexuelle ou amoureuse avec la personne qui l’a infectée ne doit ni nuire ni faire obstacle à son recours; le mal est alors déjà fait.
Si vous vous estimez victime de la faute décrite ci-haut et souhaitez obtenir compensation, n’hésitez pas à nous contacter pour obtenir une évaluation de votre dossier et pour savoir comment nous pouvons vous aider.


