Dans cet article, Me Lambert explique le principe de l’obligation de sécurité dans un contexte d’action en responsabilité civile. Il sera question ci-dessous d’une brève explication de la règle applicable, des exceptions à cette règle ainsi que d’un cas particulier d’application du principe, le tout illustré par divers exemples tirés de la jurisprudence.
Faute d’omission
Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe plusieurs catégories de fautes en droit civil québécois. On retrouve donc principalement la faute de commission, qui découle d’un geste positif commis par son auteur. On pense, par exemple, à la personne qui verse de l’alcool à bois directement dans un feu à ciel ouvert, provoquant ainsi une explosion et causant des brûlures à une mère et à son jeune enfant. Toutefois, on retrouve également, à l’opposé, la faute d’omission. Celle-ci résulte plutôt du défaut d’une personne d’accomplir un acte positif qu’il aurait dû accomplir. On pense ici, notamment, au chef de train qui omet de klaxonner alors qu’il s’apprête à percuter une passante sur la voie ferrée.
Ainsi, on comprend qu’une personne n’a pas nécessairement besoin de poser un geste positif pour commettre une faute. En effet, le défaut de faire quelque chose peut souvent constituer une faute en soi. L’obligation de sécurité tire d’ailleurs largement son fondement de ce principe.
La règle
La règle en matière d’obligation de sécurité est simple : le responsable d’une installation destinée à être utilisée par le public a un devoir de sécurité envers les usagers de ces installations et doit prévenir la survenance de tout accident prévisible dans les circonstances. Le responsable doit donc assurer, entre autres, le bon fonctionnement ainsi que l’entretien adéquat de son installation, en plus de déceler et corriger tout potentiel vice de conception et fixer la structure à un endroit approprié. Le défaut d’assurer la sécurité de ladite installation constitue par ailleurs une faute d’omission de la part du responsable, qui devra alors indemniser la victime pour tout préjudice que sa faute occasionne.
Un centre commercial doit donc, par exemple, prendre des moyens raisonnables pour que les passants soient avisés de la présence d’une plate-forme surélevée en pleine allée piétonnière, et ce, surtout pendant les jours de grand achalandage. En effet, il est prévisible que la plate-forme puisse passer inaperçue et occasionner des accidents pendant de telles journées. Ainsi, le centre commercial a failli à son obligation de sécurité, en l’espèce, en omettant d’avertir les passants de la présence de la plate-forme. Elle est donc responsable de la fracture de l’épaule du tiers qui tombe en heurtant son pied sur la plate-forme.
Par ailleurs, ce devoir de sécurité s’applique également au responsable d’un terrain. Le responsable du terrain doit alors, notamment, assurer l’entretien de son terrain ainsi que prévenir et/ou corriger les scénarios de piège. Le propriétaire d’un grenier abritant un puits d’accès de 2 mètres de longueur sur 0,75 mètre de largeur et 0,5 mètre de profondeur, non visible dans l’obscurité, est donc responsable d’assurer que la configuration intrinsèquement dangereuse des lieux ne cause pas de préjudice à autrui. Par conséquent, sa responsabilité est retenue lorsqu’un tiers fait une chute dans le vide alors qu’il essaye d’atteindre une chaînette pour allumer la lumière du grenier.
Obligation de moyens
Cette règle semble certainement sévère de prime abord. Toutefois, il importe de comprendre que le devoir de sécurité représente une obligation de moyens, et non de résultat. Ainsi, le responsable n’est tenu que de prendre des mesures raisonnables pour empêcher les accidents prévisibles dans les circonstances, et non tous les accidents possibles.
La jurisprudence considère d’ailleurs suffisantes des mesures préventives telles que l’installation de clôtures de dimensions adéquates ou la pose d’écriteaux explicites et bien en vues autour de la structure ou du terrain potentiellement dangereux. Le propriétaire diligent n’est alors plus tenu responsable du préjudice subi par le tiers téméraire ou négligent qui s’aventure tout de même sur son terrain.
De plus, le propriétaire qui prend tous les moyens mis à sa disposition pour corriger les scénarios de piège sur son terrain satisfait également à son obligation de sécurité. En effet, il est impossible, par exemple, de retenir la responsabilité du propriétaire d’un terrain de golf qui effectue quotidiennement un tour de sa propriété afin de déceler ainsi que de corriger les trous, les embûches et autres situations dangereuses pour les golfeurs.
On comprend donc que le responsable satisfait son devoir de sécurité dès lors qu’il prend des mesures raisonnables pour assurer la sécurité de sa structure ou de son terrain, et ce, même si un accident survient malgré tout sur sa propriété. Toutefois, les mesures jugées raisonnables dépendent largement des circonstances propres à chaque cas. Par conséquent, il est souvent nécessaire de se fier au critère de la personne raisonnable pour déterminer si une mesure est suffisante dans les circonstances.
L’organisateur d’évènements
Finalement, nous soulignons que l’obligation de sécurité incombe au responsable de la structure ou du terrain, et non à son propriétaire. Ainsi, l’organisateur d’un évènement qui utilise la structure ou le terrain d’autrui devient responsable d’en assurer la sécurité pour la durée de son évènement, et ce, au même titre que son réel propriétaire. L’organisme chargé de l’organisation et de la tenue d’événements festifs se tenant dans un parc de la ville, par exemple, est donc responsable du préjudice subi par le tiers qui se blesse au courant son évènement. En effet, dans ce dossier, une patineuse a chuté après s’être heurtée à un fil qui a subitement été tendu au milieu de la piste multifonctionnelle durant la préparation des festivités. Or, l’organisme devait s’assurer que les usagers du parc n’étaient exposés à aucun danger prévisible en raison des activités préparatoires de l’événement.
Dans un autre dossier, l’organisateur de courses de véhicules tout terrain qui se tenaient sur la surface gelée d’un lac a également été trouvé responsable du préjudice subi par un tiers au cours de son évènement. En effet, il était prévisible, dans les circonstances, qu’un conducteur puisse perdre contrôle de son véhicule et heurter un spectateur. Par conséquent, l’organisateur de la course devait prendre toute mesure raisonnable pour éviter ce genre d’accident. Or, de simples avertissements priant le public de s’éloigner de la piste n’étaient pas suffisants dans les circonstances. Le juge souligne notamment que l’organisateur aurait pu placer des balles de foin le long de la piste, afin d’amortir l’impact des véhicules en dérapage. De plus, le juge précise « que ce n’est pas tout de donner des avertissements; il faut s’assurer qu’ils sont respectés ». Ainsi, l’organisateur de la course a fait défaut, en l’espèce, de prendre toutes mesures raisonnables pour assurer la sécurité des spectateurs.
Bref, on comprend que le responsable, et non le propriétaire, doit assurer la sécurité de son installation ainsi que de son terrain. Toutefois, la loi requiert seulement du responsable diligent qu’il prenne toutes mesures raisonnables pour éviter les accidents prévisibles dans les circonstances. Néanmoins, le défaut de prendre ces mesures constitue une faute d’omission et engage la responsabilité du responsable.
Pour plus d’information, n’hésitez pas à nous contacter.



